L’argument constitutionnel à l’autorisation; pensez-y bien

Les débats constitutionnels sont souvent complexes et la réponse à la question qui est soulevée a des répercussions importantes sur l’industrie de la partie qui a initié le débat. C’est pourquoi, en la matière, la planification stratégique est de mise. En matière de recours collectif, se pose donc la question de savoir si le stade de l’autorisation est le plus approprié pour débattre d’une question constitutionnelle.

La première question à aborder est celle de savoir s’il est même possible de soulever la question constitutionnelle à ce stade. En effet, en la matière, les tribunaux soulignent souvent la nécessité d’un contexte factuel complet pour débattre d’une telle question. D’ailleurs, dans l’affaire récente de Union des consommateurs c. Air Canada (2011 QCCS 5083), l’Honorable juge Martin Castonguay en est venu à la conclusion que l’autorisation n’était pas le stade approprié pour un tel débat.

Dans cette affaire, la Requérante désirait obtenir l’autorisation d’intenter un recours collectif contre l’Intimée en raison de ce qu’elle allèguait être des violations à la Loi sur la protection du consommateur. Cette dernière, étant sous juridiction fédérale, fait valoir que la LPC ne lui est pas applicable. Elle désire ainsi soulever la question au stade de l’autorisation afin de convaincre la Cour que les faits allégués ne justifient pas les conclusions recherchées.

Le juge Martin Castonguay n’accepte pas cette position. Pour lui, la loi bénéficie d’une présomption constitutionnelle de validité et ce n’est qu’au mérite de l’affaire, si le recours est autorisé, que la question constitutionnelle pourra faire l’objet d’un débat.

Respectueusement, cette solution est criticable. L’Intimée n’alléguait pas l’invalidité de la LPC, mais plutôt simplement sont inapplicabilité constitutionnelle. Ainsi, la présomption constitutionnelle de validité d’une loi ne nous apparaît pas exclure la présentation de l’argument constitutionnel de l’Intimée au stade de l’autorisation. De plus, on envisage mal comment la Cour peut déterminer si les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées en l’absence d’une détermination de l’applicabilité de la LPC en l’instance.

D’ailleurs, cette approche pourrait mener à des résultats absurdes. Si par exemple la Requérante avait invoqué les lois provinciales sur le travail contre l’Intimée (laquelle est régie par le Code canadien du travail), est-ce dire que cette dernière n’aurait pu soulever l’inapplicabilité constitutionnelle évidente de la législation invoquée?

Ceci étant dit, peu importe la réponse juste à cette première question, il ne me semble pas souhaitable pour les Intimés de soulever des arguments constitutionnels au stade de l’autorisation. En effet, le jugement qui accueille une requête en autorisation n’est pas susceptible d’appel et les questions constitutionnelles m’apparaissent trop importantes pour qu’elles soient débattues dans un contexte où il n’existe pas de droit d’appel. Certes, la question pourra être replaidée au mérite, mais dans l’intérim un jugement de la Cour supérieure qui confirme l’application constitutionnelle d’une loi ou d’un règlement à une entreprise ou une industrie existe et a plein effet.

Dans ce contexte, il m’apparaît préférable pour les parties défenderesses dans un recours collectif d’attendre le mérite de l’affaire avant de soulever les questions constitutionnelles appropriées.