La mort, les impôts…et les honoraires d’avocats

Le 13 février dernier, j’écrivais un billet dans lequel je discutais des avantages importants qui découlent parfois de la décision pour la partie défenderesse d’accélérer le rythme d’un dossier au stade de l’autorisation. Dans ce billet, j’expliquais également pourquoi la défense pense encore souvent que les délais jouent en sa faveur. J’ai reçu beaucoup de questions a propos de cette dernière affirmation et je m’étais promis d’y revenir dans un billet futur. Le jour est venu.

Mon propos initial était axé sur les situations où il est dans le meilleur intérêt stratégique de la partie défenderesse de faire avancer les choses le plus rapidement possible au stade de l’autorisation et du mérite. Pour cette raison, mes propos quant aux autres situations n’étaient pas aussi nuancés qu’ils auraient du l’être. En effet, il est important de distinguer les cas où la défense « n’est pas pressée », i.e. où elle prend son temps pour présenter sa cause et prendre des décisions stratégiques sur la preuve et la théorie de la cause sans pour autant agir de manière négative pour retarder le plus longtemps possible une audition, et les cas où la stratégie de la défense se limite à repousser la date d’autorisation ou de procès le plus loin possible. Le premier est souvent tout à fait légitime (et logique), alors le deuxième ne l’est presque jamais.

Les désavantages pour la partie défenderesse de cette dernière approche sont beaucoup trop nombreux (et coûteux) pour qu’elle ne vaille la peine. Dabord, l’on compromet sérieusement la qualité de la preuve que l’on peut présenter. En effet, je n’ai pas besoin d’insister longtemps pour vous convaincre que les entreprises gardent maintenant rarement le même personnel en place pendant toute leur carrière. Ainsi, un procès qui a lieu plusieurs années après les évènements pertinents implique maintenant presque automatiquement (a) l’absence de certains témoins pour la défense qui sont décédés, très malades ou vivent à l’étranger et ne sont pas contraignables, (b) la nécessité de faire témoigner des ex-employés qui ne sont pas partis en particulièrement bons termes avec la compagnie ou (c) la nécessité de faire témoigner des personnes dont les souvenirs des évènements sont moins que limpides.

Ces désavantages existent également pour la partie demanderesse me direz-vous. Vrai, mais généralement pas aussi important. En recours collectif, la preuve en demande est habituellement plus générale et axée sur les pratiques de la partie défenderesse. Les conséquences d’un manque de précision ou de coopération sont beaucoup moins grandes. Par exemple, la demande plaidera qu’une pratique X de la défenderesse contrevient à la Loi sur la protection du consommateur ou à la Loi sur la concurrence et elle se limitera à une preuve de pratique générale et une preuve par expert pour quantifier les dommages ou expliquer les conséquences.

Autre point important, retarder à tout prix une audition est une proposition drôlement dispendieuse. Pour ce faire, il faut permettre à nos avocats de déposer et plaider une série presque interminable de requêtes et demandes. Ces coûts en valent très rarement la peine et seraient généralement mieux investis dans un règlement.

Pour utiliser l’expression populaire, « pelleter un problème vers l’avant » est très rarement une bonne idée et c’est pourquoi je décourage fortement les parties défenderesses en recours collectif à adopter une stratégie qui a pour seul objectif les délais les plus longs possibles.

En terminant, un bémol pour éviter toute controverse. Il existe de rares dossiers où faire valoir tous les droits (procéduraux et substantifs) en défense est tout à fait légitime et approprié. Je pense aux situations où le recours est complexe, met en péril la survie de l’entreprise et où cette dernière a une bonne (mais complexe) défense à faire valoir.

Reste que, généralement, la tactique de faire retarder un dossier le plus longtemps possible ne nous apporte rien…sauf des grosses factures de nos avocats bien sûr.