Erreur sur la personne!

Le jugement dont il est question dans ce billet fut rendu suite à l’erreur étant survenu quant au nom de l’entité signataire d’un bail commercial, en l’occurrence le locataire.

En effet, dans l’affaire 125569 Canada Inc. c. Itzcovitch, 2012 QCCS 1864 sous la plume de l’honorable Lucie Fournier, cette dernière eut à se pencher, non pas sur le fond du litige, mais plutôt sur deux requêtes, la première adressée par le défendeur selon l’article 54.1 du Code de procédure civile (« C.p.c. »), afin de faire rejeter l’action et la deuxième adressée par la demanderesse pour l’obtention d’une ordonnance de sauvegarde.

Les faits de l’affaire

Les faits dans cette l’affaire sont assez simples.  Une offre de location fut signée en décembre 2002 entre la demanderesse, à titre de bailleur et Java-U inc., à titre de locataire, dont M. Jeff Itzcovitch, le défendeur, agissait pour le compte de Java-U inc., le tout, afin d’y exploiter un restaurant sous la bannière de Java-U.  Le bailleur avait préparé la documentation, comme d’ailleurs, toute celle qui suivra.  Par la suite, en mars 2005, un bail est signé dont l’échéance est en février 2010.  En septembre 2009, la demanderesse propose à Java-U inc. un renouvellement du bail pour un terme additionnel de cinq ans, ce qui est accepté.  En décembre 2011, le locataire abandonne les lieux loués et le chèque pour le paiement du loyer pour ce même mois n’est pas honoré.  Des mises en demeure sont expédiées à Java-U inc.  Finalement, en février 2012, les avocats de la demanderesse font  parvenir une nouvelle mise en demeure, cette fois autant à l’encontre de Java-U Group inc., Café Java-U inc., Java-U Food Services inc. qu’à l’encontre de M. Jeff Itzcovitch.  En mars 2012, la demanderesse décide de n’intenter ses procédures qu’à l’encontre de M. Jeff Itzcovitch, personnellement.

Java-U inc. n’existe pas et n’est pas une entité valablement constituée, d’où le défendeur M. Jeff Itzcovitch s’adresse au tribunal au moyen d’une requête afin de faire rejeter les procédures et où il prétend que l’action de la demanderesse est manifestement mal fondée, frivole, abusive et entreprise de mauvaise foi et ce, vis-à-vis lui-même personnellement.

Requête du défendeur  selon l’article 54 C.p.c.

Pour réussir dans une telle requête, le défendeur se doit d’établir autant un comportement blâmable de la demanderesse que le fondement abusif des procédures.  Il soutient qu’il s’agit d’une erreur provoquée par la demanderesse, qu’il n’a jamais voulu agir par lui-même, ni d’en donner l’impression.

Le défendeur cite l’auteur Paul Martel en ces termes :

« Autrefois, si la désignation de la société dans un contrat n’était pas rigoureu­sement exacte, on concluait que ce n’était pas véritablement la société qui était partie au contrat, et que par conséquent les droits et obligations en découlant n’avaient pour elle aucun effet.  On disait alors que les dirigeants ou agents qui avaient signé pour et au nom de la société avaient agi en leur propre nom, et qu’ils pouvaient être tenus personnellement responsables des obligations résul­tant du contrat. 

Aujourd’hui, cette règle trop stricte n’a plus une telle application.  Au contraire, on peut dire que même si la dénomination sociale de la société n’est pas écrite dans le contrat exactement comme elle l’est dans l’acte constitutif, cela n’enlève pas vis-à-vis d’elle son effet au contrat, à la condition que la société puisse facilement être identifiée.  L’identification demeure toutefois une question de fait qui varie selon les circonstances. ».

La demanderesse fait part qu’en agissant pour une compagnie inexistante, M. Itzcovitch a engagé sa responsabilité personnelle.

Ainsi, la détermination de la personne ayant la responsabilité ultime des obligations contractées dans cette affaire sera une question de fait.  Ce n’est que lors de l’audition des témoins que sera déterminée si le défendeur est personnellement responsable des obligations découlant du bail et si une telle action est excessive ou déraisonnable.

Citant la Cour d’appel, soit les affaires :  Acadia Subaru c. Michaud et Paquet c. Laurier et où il est enseigné qu’à ce stade des procédures, le rejet d’une action doit se faire avec la plus grande prudence, Madame la juge rejeta la requête du défendeur tout en précisant :  « il apparaît plus prudent de ne pas priver la demanderesse du débat contradictoire et de lui permettre de faire une preuve complète avec le seul défendeur qu’elle a choisi de poursuivre. ».

Requête de la demanderesse en ordonnance de sauvegarde

Pour ce qui est de cette requête, bien qu’un préjudice soit subi par le non-paiement du loyer, cette dernière est rejetée, puisqu’elle ne rencontre pas les critères suivants, tels : 

  • une apparence de droit;
  • un préjudice sérieux;
  • la balance des inconvénients; et
  • urgence qu’une telle procédure soit rendue.

En conclusion

Pour éviter tout litige de cette nature et avant d’intervenir dans une transaction, veuillez vous assurer d’insérer dans votre aide-mémoire de faire les vérifications préalables qui s’imposent afin de valider la bonne dénomination de l’entreprise avec laquelle vous transigerez.  Au Québec, il est très simple de s’en assurer.  En effet, vous n’avez qu’à consulter le site internet du Registraire des entreprises, dont ici le lien.  Il en est tout aussi simple pour ce qui est d’une société de régime fédéral, vous pouvez consulter le site internet d’Industrie Canada, dont voici le lien.