Le prix du homard et les services juridiques

Vous avez peut-être lu sur le sujet au cours de l’été ou peut-être avez-vous même pu en profiter en tant que consommateur: le cours du homard était cet été à son plus bas depuis belle lurette. L’industrie de la pêche au homard connaît d’ailleurs une crise majeure à cause de l’augmentation de l’offre de homard sur le marché, qui est passée de 40 000 tonnes au début des années ’80 à près de 120 000 tonnes aujourd’hui sur le marché américain.

Bien entendu, cette augmentation de l’offre a donné lieu à une baisse importante dans le prix du crustacé, au point où les pêcheurs ont été forcés de vendre leur homard pour aussi peu que 1,25$ la livre dans certaines régions du Maine au cours de l’été. Chez nous, cet article fait état de prix oscillant autour de 2$ par livre à l’Île-du-Prince-Édouard. Considérant que cet article dans le Wall Street Journal nous révèle que les pêcheurs ne peuvent faire de profits avec un prix du homard en bas de 4$, il est plus que normal que plusieurs pêcheurs aient décidé de laisser leur bateau au port cette année.

Qui est-ce qui gagne le plus dans cette augmentation de l’offre? Est-ce le consommateur? Un peu, puisque les prix en épicerie étaient légèrement inférieurs à la normale cette année. Les vrais gagnants dans cette affaire sont cependant les restaurateurs, particulièrement les restaurateurs sur la côte de l’Atlantique, malgré le fait que ces derniers vendent le homard «au prix du marché». Le hic, c’est que le prix du marché est en réalité le prix du marché de la restauration et non pas le coût d’acquisition du homard pour ces restaurateurs. Ce prix a donc tendance à augmenter lorsque les coûts augmentent, mais on se garde une petite gêne pour le descendre. On vend donc un homard à 20$ qu’on a acheté 2$ et personne (ou presque) ne s’en plaint.

Les lois du marché devraient normalement permettre un retour à la normale dans ce dossier. En effet, soit que l’offre va éventuellement descendre parce que moins de gens pêcheront le homard, ou bien les profits des restaurateurs leur permettront d’ouvrir de nouveaux restaurants et de faire augmenter la concurrence, ce qui entraînerait une baisse de prix. C’est fort probablement ce qui va arriver s’il n’y a aucune collusion entre restaurateurs, mais je ne connais pas assez le milieu pour m’avancer dans cette direction…

Bref, si j’étais un pêcheur, je ferais tout ce que je peux pour essayer d’intégrer mes opérations à celles d’un restaurant, de manière à bénéficier des marges intéressantes. De cette façon, je ne serais pas trop affecté par les baisses de prix du homard et je pourrais continuer d’amortir l’investissement dans mon bateau. Si les prix restaient si bas, je pourrais même éventuellement vendre mon bateau et m’approvisionner directement auprès d’un autre pêcheur.

Je veux faire un bref parallèle avec ce qui se passe avec l’industrie juridique. Comme nous le savons, le marché tend vers la baisse pour une multitude de services et plusieurs cabinets ont connu des années difficiles ces derniers temps. Notre marché est donc en train de se métamorphoser et certains cabinets devront se trouver des restaurants, si vous me permettez l’expression. Sinon, il y aura probablement quelques bateaux qui resteront au port…