Franchisage: Clause de non-concurrence

Afin de protéger l’investissement du franchiseur ainsi que son réseau de franchises et aussi, afin de restreindre les activités du franchisé autant pendant qu’après la fin de la durée d’une convention de franchise, toute bonne telle convention comprendra à tout le moins une clause de non-concurrence.  En voici un exemple dans le milieu de la franchise en restauration.

Dans un jugement récent rendu le 9 janvier 2013 par l’Honorable juge Louis J. Gouin de la Cour supérieure dans l’affaire Groupe Sportscene inc. c. 2639-6564 Québec inc. et al. et Gestion Volta inc. (2013 QCCS 17), M. le juge eut à traiter du sujet des clauses de non-concurrence et de désidentification dans le cadre d’un litige portant sur le bien-fondé d’une Requête pour injonction provisoire, le tout, afin d’empêcher un ancien franchisé opérant un restaurant sous la bannière « Cage aux Sports » à Boucherville d’exploiter au même emplacement un nouveau restaurant sous la bannière « Le Chêne Blanc ».

D’entrée de jeu, le juge Gouin tient cependant à souligner ce qui suit :  « [3] L’audition a duré plus de trois heures, précédée d’un temps de lecture de deux heures pour le Tribunal.  Vu qu’il s’agit d’une demande d’injonction provisoire et que le Tribunal dispose de peu de temps pour rendre ce jugement, il s’en tiendra donc au strict nécessaire. ».

Les faits de l’affaire

La convention de franchise intervenue entre le franchiseur et le franchisé prenant fin le 2 septembre 2012, il appert que plusieurs pourparlers eurent lieu dans les mois précédant l’échéance afin de négocier un éventuel renouvellement de la convention, mais en vain.

En effet, le 25 avril 2012, le franchisé avisa le franchiseur qu’il ne renouvellera pas la convention.  Le franchiseur fut mis au courant qu’un nouveau restaurant allait ouvrir au même emplacement par celui qui allait devenir son ex-franchisé.  Sur ce, le franchiseur rappela à maintes reprises les obligations du franchisé quant aux clauses de non-concurrence et de désidentification, dont voici des extraits :

« [8]           Essentiellement, l’obligation de «non-concurrence» prévue à la Convention et à l’Engagement est, entre autres, à l’effet que les Intimés ne pourront pas, sans le consentement écrit préalable du Franchiseur, et pour une période de deux ans, sous réserve de certaines adaptations en fonction des Intimés visés :

 

«[…] exploiter, participer, s’impliquer, donner des conseils, prêter de l’argent, garantir des dettes ou obligations ou permettre que son nom ou toute partie de celui-ci soit utilisé, dans toute entreprise exploitant un ou plusieurs restaurants offrant une spécialité de steak, de poulet et/ou de côtes levées et/ou offrant des divertissements ou un décor à caractère sportif, et dont l’établissement ou l’un des établissements est situé dans le territoire compris à l’intérieur d’un rayon de cinq (5) kilomètres à vol d’oiseau autour de l’EMPLACEMENT […]».

«[…] éliminer l’agencement de couleurs rouge et blanc et faire toute autre modification à l’apparence physique de l’EMPLACEMENT que le FRANCHISEUR pourra exiger, à sa discrétion, afin que le FRANCHISÉ se conforme à toutes et chacune de ses obligations stipulées à la présente y compris, mais sans s’y limiter, à ses obligations stipulées au présent article 18 ainsi qu’à l’article 14 ci-dessus […]».

Il est opportun de souligner que la Mise en cause, Gestion Volta inc, est propriétaire de l’emplacement et est contrôlée par les mêmes personnes contrôlant aussi le franchisé.

Plusieurs rencontres eurent lieu.  Les 4 et 5 décembre 2012, le franchiseur réitère ses appréhensions « quant au concept, à l’aménagement, à l’apparence et au menu du projet ».

Le 7 décembre 2012 survient l’ouverture officielle du nouveau restaurant sous la raison sociale de «Le Chêne Blanc ».

Position du franchiseur

À l’appui de ses prétentions, le franchiseur allègue une flagrante contravention aux obligations du franchisé entres autres :

« a.    du revêtement et aménagement extérieur de l’immeuble de l’Emplacement;

b.    des téléviseurs;

c.    des plafonds, lambris, luminaires et stores horizontaux;

d.    du menu et de la présentation dans les assiettes. ».

Le droit et les constatations du tribunal

Afin d’obtenir une ordonnance d’injonction provisoire, trois (3) critères doivent être réunis et démontrés par le franchiseur que voici :

a)      Une urgence réelle et immédiate :  À ceci, le juge Gouin penche vers l’absence d’urgence en ce que l’ouverture du nouveau restaurant ayant eu lieu le 7 décembre 2012 et le franchiseur ayant été mis au courant du projet d’ouverture d’un nouveau restaurant il y a quelques mois déjà, « aucune urgence ne justifie l’émission, pour 10 jours, d’une injonction provisoire. ».

b)      Une apparence de droit sérieux ou dans le doute, la balance des inconvénients à faire pencher en faveur du requérant :  À cela, le juge Gouin affirme à première vue n’y voir aucune confusion entre les deux restaurants et ajoute :  «[52]   Il ne sert même à rien de s’attarder, à ce stade-ci, sur la validité de la clause de « non-concurrence » de la Convention et de l’Engagement.  Prima facie, les faits n’établissent aucune concurrence déloyale et illégale. ».  Il fait état également que le nouveau restaurant ainsi que les autres restaurants avoisinants ont tous la même façade, soit des murs extérieurs blancs avec colonnes rouges.

c)       Un préjudice sérieux et irréparable  ou qu’il sera créé un état de fait ou de droit auquel le jugement ne pourra remédier :  Sur ce, le juge Gouin ajoute :

« [57]        Il appert, prima facie, que le concept du Chêne Blanc est différent de celui de «La Cage aux Sports» du Franchiseur et cible une clientèle différente de celle visée par les restaurants «La Cage aux Sports» du Franchiseur.

[58]        Donner suite à la demande du Franchiseur, à ce stade-ci, causerait plutôt préjudice à cette clientèle, sans oublier les Intimés qui ont investi des sommes substantielles pour créer leur nouveau concept.

[59]        Le Franchiseur n’a donc pas, ici aussi, réussi à démontrer qu’il rencontrait ce troisième critère. »

En conclusion

La requête pour l’émission d’une ordonnance en injonction provisoire du franchiseur est donc rejetée, le restaurant Le Chêne Blanc pourra continuer ses opérations, jusqu’à avis contraire, le cas échéant.  En effet, ce jugement ne portait que sur l’injonction provisoire, le juge s’en était alors tenu qu’au strict minimum afin de rendre cette décision, s’agissant nullement, à ce stade-ci, d’un jugement sur le fond.

Il sera intéressant de connaître la suite dans ce dossier.

Qu’en est-il des clauses de non-concurrence?

Succinctement, le but d’une clause de non-concurrence dans une convention de franchise sert à protéger la force de sa marque ainsi que le franchiseur contre la compétition que pourrait lui faire son ex-franchisé dans le territoire où il opérait.  Cette clause sert ainsi à protéger ce même territoire pour les autres franchisés.

La force d’une telle clause de non-concurrence est qu’elle se doit d’être simple et claire.  Elle devra de plus être limitée dans son territoire, dans sa durée ainsi que dans son domaine d’activités précis, soit ce qui est nécessaire afin de protéger adéquatement le franchiseur et son réseau, le tout, afin de bénéficier de tous les avantages pour lesquels elle fut négociée.