Projet de Loi 46: Québec resserre les règles pour l’achat de terres agricoles par des étrangers

Cette semaine, le ministre de l’Agriculture François Gendron a déposé à l’Assemblée Nationale le projet de loi 46 resserrant les règles pour l’acquisition par des étrangers de terres zonées agricoles situées dans la province. Le projet de loi modifiera la Loi sur l’acquisition des terres agricoles par les non-résidents (la «Loi»).

Législation actuelle

Rappelons qu’à l’heure actuelle, en vertu de la Loi, une personne n’ayant pas résidé 366 jours au Québec au cours des 24 mois précédents immédiatement la date d’acquisition d’une terre agricole ne peut être admissible à l’achat d’une terre. Cependant, un non-résident peut demander une dérogation à cette règle en faisant une demande à la Commission de la protection du territoire agricole du Québec (la «Commission»). Un acheteur non-résident doit alors déclarer qu’il a l’intention de s’établir au Québec et prendre l’engagement auprès de la Commission d’y résider  au moins 366 jours au cours des 24 mois suivant l’acquisition. Dès lors, la Commission acceptera la transaction. La démonstration de cette intention doit cependant être claire. De plus, la Loi donne à la Commission le pouvoir d’émettre des ordonnances pour s’assurer que ces engagements soient respectés. Ultimement, si ces ordonnances ne sont pas respectées, la Commission peut par requête, s’adresser à un juge de la Cour supérieure pour obtenir l’autorisation de vendre en justice l’immeuble. Notons que la Loi s’applique également aux baux à rentes et aux emphytéoses.

 

Changements proposés

Le projet de loi 46, modifierait la Loi en augmentant l’exigence temporelle de résidence de sorte que les acheteurs étrangers devront avoir séjourné au Québec pendant 36 mois au cours des 48 mois précédant ou suivant l’acquisition d’une terre agricole. L’acquéreur devra également être citoyen canadien ou résident permanent au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, exigence qui n’existe pas actuellement. Aussi, le projet de loi 46 fixe à un maximum de 1000  hectares le total de la superficie qui, par année, pourrait être acquise par des non-résidents pour l’ensemble du Québec. Lorsque la Commission se penchera sur une demande faite par un non-résident, elle devra de plus prendre en compte de nouveaux critères, soit l’usage projeté de la terre agricole faisant l’objet de sa demande, l’incidence de l’acquisition sur le prix des terres agricoles de la région, les effets de l’acquisition ou de l’usage projeté sur le développement économique de la région, la valorisation des produits agricoles, la mise en valeur de terres agricoles sous-exploitées et l’impact sur l’occupation du territoire. Les non-résidents présentant des demandes devront donc faire preuve de vigilance afin de s’assurer de fournir des réponses pour chacun de ces nouveaux critères.

 

Contexte économique

Le contexte au Québec est particulier par rapport au reste du Canada. Près de 85% des terres agricoles appartiennent aux agriculteurs exploitants, alors que la moyenne canadienne est de 65%. Il y a donc moins de fermiers qui sont locataires au Québec et il y a moins d’investissements privés dans les terres agricoles qu’ailleurs au pays (pour une étude détaillée et à jour du contexte économique entourant l’acquisition de terres agricoles, je vous invite à consulter ce rapport fort complet préparé par CIRANO). Selon le ministre Gendron, la part achetée annuellement par des étrangers est d’environ 2000 hectares (pour ceux qui comme moi ont grandi en ville et qui n’ont aucune idée de ce que cela représente, sachez que 2000 hectares représentent 20 km2 – en comparaison, l’Île de Montréal a une superficie de 483 km2).

Le phénomène peut sembler assez marginal, surtout quand on sait que selon Statistiques Canada, il y aurait 6 305 000 hectares de terres zonées agricoles au Québec. Par contre, au cours des derniers mois, il y a eu un regain d’intérêt pour l’investissement dans les terres agricoles de la Vallée du St-Laurent. En 2012, la Banque Nationale du Canada a acheté un peu plus de 2000 hectare de terres au Lac Saint-Jean, des actifs qui ont par la suite été transférés à l’entreprise Pangea Terres Agricoles, dont l’homme d’affaires Charles Sirois est actionnaire. De plus, Partenaires Agricoles S.E.C. qui est associé avec des fonds privés et des caisses de retraite, a acquis récemment 500 hectares de terres agricoles dans les régions de Chaudière-Appalaches, en Mauricie et dans les Bois-Francs. L’acquisition de quelques 1000 hectares supplémentaires seraient en cours de négociation. En janvier 2013, Andrew Grant, un investisseur agricole ontarien, à acquit 1750 hectares de terres dans quatre municipalités de la MRC Témiscamingue. En janvier dernier, la Caisse de Dépôt et Placements du Québec était également à la recherche d’un analyste en investissements en terres agricoles et forestières, afin de faire des recommandations d’investissements à long terme.

M. Gendron, a expliqué lors d’un point de presse qu’il souhaitait avec le projet de loi 46 empêcher les impacts de la spéculation sur la valeur des terres agricoles et favoriser la relève. Le projet de loi 46 sera étudié en comité parlementaire à l’automne et il sera intéressant de voir la réaction des différents acteurs du milieu.