Les médias sociaux et le droit des valeurs mobilières: un nouveau facteur de risque à divulguer?

Mon ami Vincent Bergeron nous entretient fréquemment sur les conséquences juridiques et pratiques de l’avènement des médias sociaux sur le contrôle que les entreprises ont sur leur image et leurs marques de commerce. Je vous empresse d’aller lire son article sur ce que le web a nommé « l’effet Streisand » et les risques inhérents aux médias sociaux dans un contexte litigieux qui m’a inspiré ce billet et qui suscite plusieurs réflexions intéressantes.

Il compare les médias sociaux à un parvis d’église dont l’auditoire est élargi à des centaines, des milliers, voire des millions personnes. En lisant son article, vous comprendrez rapidement que si les médias sociaux représentent un incroyable outil de promotion et de communication pour une entreprise, il s’agit cependant d’un couteau à double tranchant. Il est en effet très difficile pour une entreprise de contrôler ce qui se dit sur elle et une information à connotation négative (qu’elle soit véridique ou mensongère) peut se propager comme une traînée de poudre sur le web. À cause de ce manque de contrôle, le risque de voir l’image ou la réputation d’une entreprise ternie est donc augmenté.

La divulgation des risques en droit des valeurs mobilières

Dans toutes les entreprises, les administrateurs et les dirigeants doivent, dans l’exercice de leurs responsabilités fiduciaires, demeurer à l’affût des risques importants affectant leur entreprise. Dans le contexte du droit des valeurs mobilières, certaines obligations de divulgation d’information donnent une dimension additionnelle à cette obligation: les risques importants doivent être divulgués publiquement.

En effet, en vertu du Règlement 41-101 sur les obligations générales relatives au prospectus, dans le cadre d’un appel public à l’épargne, une société voulant offrir ses titres sur le marché public devra divulguer dans son prospectus tous les facteurs de risque affectant la société et ses activités et qui sont susceptibles d’influer sur la décision d’un investisseur d’acquérir ses titres. Sur une base annuelle, les émetteurs devront également divulguer ces risques dans leur notice annuelle en conformité avec le Règlement 51-102  sur les obligations d’information continue.

 

Le risque d’une atteinte à l’image

Pour certaines sociétés cotées en bourse, l’image et la réputation sont extrêmement importantes. Un grand effort est mis pour en assurer la promotion à travers des campagnes de marketing ou de relations publiques. On pense notamment aux entreprises qui font affaires directement avec les consommateurs, comme les entreprises qui produisent des biens de consommation ou qui offrent des services aux consommateurs, les banques ou les compagnies pharmaceutiques. On pense également aux entreprises pour lesquelles « l’acceptabilité sociale » est importante, comme les pétrolières ou les minières.

Plusieurs de ces sociétés « en vue », font état dans leur divulgation sur les risques, qu’une atteinte à la réputation et à l’image de leur société pourrait avoir une incidence défavorable pour leur société et ses résultats d’exploitation. Une telle divulgation est courante et existait avant l’émergence des médias sociaux.

Cependant, comme j’en discute plus haut, les médias sociaux amènent une nouvelle dimension à ce risque et ultimement, l’augmente.  Il est dès lors intéressant de vérifier si la divulgation des sociétés cotées en bourse s’est adaptée à cette nouvelle réalité.

Les médias sociaux: un nouveau risque

Une recherche dans les banques de données des documents d’information des sociétés publiques nous permet de constater que certaines sociétés « en vue » ont commencé récemment à ajouter dans leur divulgation des facteurs de risque de langage spécifique sur l’effet des médias sociaux. Voici un tour d’horizon de certaines divulgations que je juge pertinent de partager avec vous.

  • Tim Hortons, dans son rapport annuel de 2013 (cette société est un émetteur assujetti aux États-Unis) indique: «In addition, a variety of risks to our brand are associated with the use of social media, including negative comments about us, improper disclosure of proprietary information, exposure to personally identifiable information, fraud or out-of-date information.»
  • Cineplex, dans sa notice annuelle de 2013, indique «[qu’il] est possible que des renseignements erronés sur les cinémas de Cineplex ou sur la qualité de son service à la clientèle se propagent de façon virale sur les réseaux sociaux. Cineplex surveille les commentaires publiés sur les réseaux sociaux afin de réagir rapidement à toute tentative de désinformation menée sur les médias sociaux».
  • La société aurifère Goldcorp, dans sa notice annuelle de 2013, indique pour sa part que «l’utilisation accrue des réseaux sociaux et d’autres outils sur le
    Web dans le but de produire et de publier du contenu généré par les utilisateurs
    [fait en sorte qu’elle] n’a ultimement aucun contrôle direct sur la façon dont elle est perçue par les autres parties».

 

Ce bref tour d’horizon permet de constater que récemment, certaines sociétés « en vue » ont su réagir aux risques que représentent les médias sociaux en les incluant dans la divulgation des risques affectant l’entreprise et susceptibles d’influer sur la décision d’un investisseur d’acquérir des titres. Il sera intéressant de voir, à l’aube de la période d’envoi des circulaires de sollicitation de procurations si d’autres sociétés « en vue » emboiteront le pas et incluront feront une telle divulgation.

 

Entre temps, peu importe votre domaine de pratique, je vous invite à réfléchir à des façons efficaces d’atténuer les risques inhérents aux médias sociaux pour vos clients, en prenant exemple sur ce célèbre producteur de whiskey du Tennessee.