Marchés publics: l’obligation du donneur d’ordre d’agir selon les exigences de la bonne foi

Le donneur d’ordre qui constate l’erreur d’un soumissionnaire doit néanmoins agir selon les exigences de la bonne foi. Il ne doit pas chercher à conclure le contrat rapidement avec un soumissionnaire qui offre un prix anormalement bas ou si d’autres indices peuvent laisser entrevoir une erreur de celui-ci. Tel est l’enseignement que l’on peut tirer de la récente décision de la Cour d’appel du Québec du 10 avril 2014 intervenue dans l’affaire Société québécoise des infrastructures (Société immobilière du Québec) c. C. & G. Fortin inc., 2014 QCCA 730.

Dans cette affaire, le plus bas soumissionnaire avait établi le prix de sa soumission en ignorant erronément une partie des travaux demandés. Bien qu’ils aient reconnu le caractère inexcusable de l’erreur de ce soumissionnaire, les juges de la Cour d’appel, tout comme celui de la Cour supérieure, ont cependant sanctionné le donneur d’ordre pour son comportement après l’ouverture des soumissions.

En effet, le tribunal de première instance, se basant sur certains éléments de preuve, en arrive à la conclusion que le contrat n’a pas pu se former en raison de la mauvaise foi du donneur d’ordre.

Il est notamment reproché au donneur d’ordre de s’être dépêché d’accepter la soumission sans même vérifier sa conformité, alors que celle-ci n’était pas accompagnée des attestations requises par les documents d’appel d’offres. De même, le fait de ne pas exiger la ventilation du prix de la soumission, tel que prévu dans les instructions aux soumissionnaires, a fini par convaincre le juge que le donneur d’ordre a voulu tirer avantage d’un prix anormalement bas pouvant laisser entrevoir une erreur de son auteur.

La Cour d’appel confirme ce jugement en soulignant toutefois que le tribunal de première instance aurait dû éviter l’emploi de l’expression «mauvaise foi» qu’il juge trop sévère dans les circonstances. Selon elle, le donneur d’ordre a plutôt manqué à son obligation d’agir selon les exigences de la bonne foi qui réfère, dans son sens objectif, à l’idée d’une norme de comportement acceptable.  Elle rappelle ainsi qu’«une personne peut être de bonne foi (au sens subjectif), c’est-à-dire ne pas agir de façon malicieuse ou agir dans l’ignorance de certains faits, et aller tout de même à l’encontre des exigences de la bonne foi, soit en violant des normes de comportement objectives et généralement admises dans la société».

Au regard de cette décision, on peut légitimement se demander si le donneur d’ordre va  toujours à l’encontre des exigences de la bonne foi lorsqu’il viole une règle d’appel d’offres qu’il a lui-même établie? La réponse la plus facile à cette question serait de toute évidence… ça dépend!