Jugement récent – La Cour d’appel du Québec accorde à un franchiseur des dommages équivalents à dix ans de redevances

Un franchiseur peut-il réclamer d’un franchisé en défaut des dommages équivalents aux redevances prévues pour toute la durée du contrat?

C’est là l’une des questions à laquelle a répondu, le 25 avril dernier, la Cour d’appel du Québec par le jugement qu’elle a rendu dans l’affaire opposant le franchiseur Les Billards Dooly’s inc. à un ancien franchisé, Les Entreprises Prébour ltée (que vous pouvez lire en cliquant ici).

La situation qui a mené à ce jugement est quelque peu complexe et découle d’une série d’ententes intervenues aux fins d’un projet (qui ne s’est finalement jamais concrétisé) d’implantation de deux franchises Dooly’s en Outaouais.

Le volet de ce jugement qui retient l’attention est celui portant sur le calcul des dommages accordés au franchiseur par la Cour d’appel du Québec après que celle-ci eut conclu que le franchisé avait fait défaut de respecter ses engagements en vertu d’un protocole d’entente signé avec le franchiseur et qu’il avait aussi abusé de ses droits en refusant de signer les conventions de franchise soumises par le franchiseur.

En première instance, la Cour supérieure du Québec avait accordé au franchiseur des dommages équivalents aux droits de franchise dont il avait été privé par la faute du franchisé, mais avait refusé de lui accorder des dommages pour la perte des redevances prévues pour la durée des contrats au motif que « le préjudice allégué par Dooly’s est manifestement incertain, voire hypothétique ».

La Cour d’appel du Québec a énoncé pour sa part que le calcul des dommages auxquels a droit un franchiseur dans le cas où un contrat de franchise se terminait avant la fin de son terme en raison d’un défaut (ou d’une faute) du franchisé devait se faire en s’en tenant « aux règles habituelles qui exigent la preuve par prépondérance des probabilités d’une faute, d’un lien de causalité et d’un préjudice ».

Ainsi, en cas de résiliation prématurée d’un contrat de franchise causée par le défaut ou la faute du franchisé, « le préjudice correspond aux bénéfices que Dooly’s aurait tirés des deux contrats de franchise » (dont le premier avait une durée prévue d’un an et le second de dix ans).

Selon les expertises produites par le franchiseur ainsi que, dans cette affaire, en fonction des prévisions de ventes faites par les parties elles-mêmes dans leur protocole d’entente, la Cour d’appel du Québec a évalué les dommages subis par le franchiseur à une somme équivalente au plein montant des redevances auxquelles il aurait eu droit pour toute la durée des deux contrats (soit 26 000$ pour le contrat d’une durée d’un an et 240 000$ pour celui d’une durée de dix ans).

Comme ces sommes étaient accordées à titre de dommages compensatoires et sans fourniture de services ou de biens, la Cour d’appel a jugé qu’il n’était pas opportun d’y ajouter les taxes.

Par contre, la Cour d’appel a refusé la réclamation du franchiseur pour la contribution du franchisé au fonds de publicité pour le motif qu’aucun bien ou service n’avait été fourni à cet égard par le franchiseur (et en notant que, de toute façon, il s’agissait là de montants modestes en l’espèce).

Enfin, et surtout pour la convention d’une durée de dix ans, la Cour d’appel s’est aussi prononcée de la façon suivante sur l’argument du procureur du franchisé à l’effet que le franchiseur avait l’obligation de minimiser ses dommages :

« Il est vrai que l’obligation de minimiser de Dooly’s trouve application pour une période aussi longue, mais la preuve a établi la difficulté de trouver un local adéquat, le marché limité du secteur et l’absence de disponibilité d’autres permis d’alcool et de licence pour des ALV dans la région en raison d’un moratoire. Aucune réduction ne s’impose. »

La Cour d’appel a également condamné le franchisé à rembourser au franchiseur ses frais d’expertise de 100 517,43$.

Ce jugement illustre bien la mesure des dommages que peut réclamer un franchiseur d’un franchisé qui, par sa faute, cause la fin d’un contrat de franchise avant l’expiration de son terme.

Évidemment, une réclamation en dommages pour les redevances perdues pour toute la période non écoulée du contrat requiert que le franchiseur fasse la preuve de tels dommages (par prépondérance des probabilités) et le montant de ces dommages est toujours sujet à réduction par le tribunal pour tenir compte des aléas dans l’évaluation de cette perte et de la possibilité pour le franchiseur de les minimiser (notamment en faisant des efforts appropriés afin de trouver un nouveau franchisé pour remplacer celui dont le contrat a pris fin).

Je vous invite à me contacter (par courrier électronique à jhgagnon@jeanhgagnon.comou par téléphone au 514.931.2602) pour toute question ou tout commentaire.

Jean