L’ARC peut saisir le compte d’un syndic!

La saisie du compte en fiducie d’un syndic, qui pouvait sembler être la dernière frasque de l’Agence du revenu du Canada, n’en est pas une. En effet, c’est rien de moins que la Cour d’appel de l’Alberta dans Canada (National Revenue) v. Meyers Norris Penny Limited, 2014 ABCA 176 qui confirme la validité d’une demande formelle de paiement signifiée à un syndic de faillite pour obtenir les fonds dans son compte en fidéicommis, afin d’acquitter une dette fiscale du failli.

Ça semble impossible, impensable, absurde? Pas du tout, au bord du précipice fiscal, l’ARC est toujours prête à faire un bond en avant pour l’avancement du Droit, avec un grand « D ». Des mauvais faits amènent une conclusion qui est justifiée par un cas d’espèce, mais qui n’est pas unique dans l’application du principe retenu. L’analyse du cas est toutefois une mise en garde car la situation peut arriver assez souvent dans des circonstances un peu similaires.

M. Mutter a fait cession de ses biens en raison de dettes fiscales. Sa résidence est vendue par le syndic et, après paiement des créanciers garantis, un surplus de $40 000 est conservé en fidéicommis par le syndic.

Pendant sa faillite, M. Mutter néglige de payer et remettre la TPS et fait défaut de payer ses impôts personnels. Disons qu’il n’est pas un candidat idéal pour la réhabilitation des débiteurs. La demande de paiement est donc émise par l’ARC pour des créances post-faillite et vise le surplus de la vente de la résidence, que le syndic considère insaisissable. En effet le droit provincial de l’Alberta accorde une exemption de $40 000 sur la résidence principale et le LFI reconnait cette insaisissabilité. L’ARC étant créancière de la faillite pour les dettes pré-faillite, elle est donc probablement au fait de toute cette situation quand le désir lui prend de collecter ses créances post-faillite.

La Cour établit que la suspension des procédures au parag. 69(3) de la LFI ne vise que les recours d’un créancier pour le recouvrement d’une réclamation prouvable. Or, la dette post-faillite n’est pas une réclamation prouvable à la date de la faillite et l’ARC n’est donc pas un « créancier » dont les recours sont suspendus.

La distribution ou remise du bien insaisissable au failli par le syndic aurait été un « paiement » de sorte que la demande formelle s’applique au sens des lois fiscales. Le syndic prétendait qu’il s’agissait possiblement d’une simple « remise ».

L’ARC plaide avec succès qu’aucune exemption provinciale n’est applicable contre une demande formelle de paiement émise par le gouvernement fédéral.

L’affaire semble d’intérêt limité et la décision est passablement motivée par le fait que la Cour a vu d’un mauvais œil que le failli prenne refuge derrière la LFI pour continuer à accumuler des dettes fiscales.

Cependant, dans de nombreux dossiers de faillite personnelle, le syndic doit remettre au failli des remboursements fiscaux insaisissables (comme la TPS), ou possiblement des REERs, ou des salaires pré-faillite saisis et remis au syndic ou des biens légués sous condition d’insaisissabilité. Il pourrait même s’agir de montants dont le failli était fiduciaire. Entre la faillite et le versement au failli, si des dettes fiscales sont nées, on peut anticiper que les syndics recevront de nombreuses demandes formelles. Reste à savoir si l’Agence du revenu du Québec  va elle aussi tenter la même chose.