Mieux que la victoire ou le compromis : la « troisième solution »

Au chapitre 10 (intitulé « Mêler les voix – La recherche d’une troisième solution ») de son livre « La 8e habitude/Faites-vous entendre et agissez » (en anglais « The 8th habit / From effectiveness to greatness »), le guru américain du leadership Stephen R. Covey (malheureusement décédé à l’été 2012) présente une découverte importante pour lui en matière de communication et, plus particulièrement, de règlement des différends, la « troisième solution », qu’il décrit dans les termes suivants :

« La troisième solution n’est pas mon chemin, elle n’est pas votre chemin – elle est notre chemin. Ce n’est pas un chemin de compromis entre votre chemin et le mien; c’est mieux qu’un compromis. Une troisième solution est ce que les bouddhistes appellent le chemin du milieu – un chemin moyen plus élevé, meilleur que chacun des deux autres, comme le sommet d’un triangle.

(…) Elle est le produit d’un effort de créativité à l’état pur. Elle émerge en dépit des vulnérabilités qui emprisonnent deux ou plusieurs personnes – grâce à leur ouverture d’esprit, leur écoute sincère, leur désir de trouver. On ne sait pas d’avance où cette quête aboutira. Tout ce que l’on sait est que la troisième solution sera meilleure que les solutions envisagées actuellement. »

Avant d’énoncer les deux étapes indispensables à la recherche de cette troisième solution, Stephen Covey fait état, sur plusieurs pages, de l’importance d’une véritable écoute, qu’il qualifie « d’empathique » et « de type synergétique », laquelle amène les personnes impliquées à vraiment se comprendre, et à se sentir vraiment comprises, l’une et l’autre.

Il écrit :

« Une fois que toutes les parties se sentent comprises, une chose surprenante survient. L’énergie négative se dissipe, les disputes s’évaporent, le respect mutuel augmente et les participants deviennent créatifs. De nouvelles idées émergent. Les troisièmes solutions apparaissent. (…)

Pourquoi? Parce que plus de 90 % des problèmes de communication sont provoqués par des différences de sémantique ou de perception. (…)

Lorsque les gens écoutent avec une véritable empathie, c’est-à-dire à l’intérieur du cadre de référence du locuteur, les problèmes de sémantique et de perception se dissolvent. (…) Locuteur et écouteur sont alors sur la même longueur d’onde, utilisent le même langage, et peuvent passer en mode résolution de problème pour traiter les 10 % restant de véritable désaccord. L’esprit de compréhension réciproque est si encourageant, bénéfique, et propice à la création de liens qu’au stade où les gens discutent leurs points de désaccord, ils le font de manière plaisante et réussissent habituellement à les résoudre soit par la synergie, soit par le biais d’un compromis. » 

La méthode proposée par l’auteur pour mener à sa « troisième solution » est tout simplement composée des deux étapes suivantes (qui, selon Stephen Covey, ne doivent pas nécessairement toujours se dérouler dans cet ordre) : 

    1. « Seriez-vous d’accord pour rechercher une solution meilleure que celles proposées par chacun de nous? »
    2. « Seriez-vous d’accord sur une simple règle de base : personne ne peut donner son point de vue avant d’avoir auparavant reformulé le point de vue du précédent locuteur à l’entière satisfaction de ce dernier. »

Il y ajoute les recommandations suivantes :

« Chaque fois que vous abordez la première étape – seriez-vous d’accord pour rechercher une solution meilleure que ce que chacun de vous propose? – les gens disent inévitablement, comme ces deux protagonistes : “Je ne vois pas ce que ça pourrait être” ou encore : “J’ai passé des années sur cette question, et je suis absolument persuadé…”

Alors vous le reconnaissez : “C’est ainsi. Personne ne sait ce que ce sera; vous devez le créer ensemble. La question est; seriez-vous d’accord pour rechercher une telle solution?”

Ils répondent en général : “Je n’accepterai pas de compromis!”

Vous répondez : “Bien sûr que non. Synergie ne veut pas dire compromis. Ce doit être une solution meilleure – vous devez le savoir, l’autre doit le savoir, et vous devez l’un et l’autre savoir que l’un et l’autre le savent – pas de compromis.

– Oh, je ne vois pas où nous pouvons aller en partant de là.

– Vous passez maintenant à la deuxième étape. Mais aucun de vous ne peut donner son point de vue avant d’avoir reformulé le point de vue de l’autre d’une façon qui satisfasse entièrement cette autre personne.” C’est ici que le bât blesse. Il est extrêmement difficile pour des gens qui ont argumenté sans fin en faveur d’une position d’écouter authentiquement une autre personne. Mais il leur faut surmonter ce défi, car tant qu’ils n’ont pas véritablement écouté l’autre et reformulé sa position à son goût, ils n’ont pas la parole. C’est le ticket d’entrée. » 

Il conclut ce chapitre par les deux commentaires suivants :

« La plupart des différends finissent en compromis, en gagnant/perdant ou perdant/gagnant. Mais les conclusions en forme de troisième solution – portant sur la substance, l’esprit ou simplement faites de compréhension et de respect mutuels sans aucun accord – comportent toujours une transformation. Les personnes ont été changées, leur cœur et leur esprit se sont ouverts, elles ont appris et écouté, elles voient les choses autrement, dans toute leur fraîcheur – elles ont été transformées. (…)

Je suis convaincu que la plupart des différends pourraient être prévenus et résolus par une communication de type synergétique dans le style de la troisième solution. Le procès et la “loi” ne devraient être utilisés que comme le dernier recours, non comme le premier. Une culture litigieuse est malsaine pour la société, elle détruit la confiance, donne un exemple abominable et dans le meilleur des cas aboutit au compromis. »

Bien que ce fût là une grande révélation pour ce célèbre auteur en leadership, cela représente un volet fort important, mais non le seul, d’une médiation bien menée.

Tout médiateur d’expérience sait qu’amener chaque partie à vraiment comprendre l’autre et à se sentir vraiment comprise, et que de guider les parties à s’écarter de cette interminable valse d’échanges de positions et d’offres/contre-offres pour entreprendre un véritable travail commun de recherche d’une meilleure solution constitue un savoir essentiel de la science et de l’art de la médiation.

Je vous invite à me contacter (par courrier électronique à jhgagnon@jeanhgagnon.com ou par téléphone au 514.931.2602) pour toute question ou tout commentaire.

Jean