Décision récente: Il n’est pas suffisant pour un pharmacien de se fier à un logiciel!

Je ne vous apprendrai rien en vous disant que le rythme de travail d’un pharmacien est souvent effréné.

Aussi, afin de maintenir leur efficacité tout en assurant une excellente qualité de service à leurs patients, la très vaste majorité des pharmaciens se fient aujourd’hui à certains outils technologiques, notamment des systèmes et logiciels informatiques, pour les soutenir dans plusieurs aspects de leur travail.

Parmi ces logiciels, l’on retrouve en bonne place ceux avisant le pharmacien des interactions et des contre-indications médicamenteuses.

Quelle est la responsabilité déontologique d’un pharmacien dans le cas où un tel logiciel omet de relever une interaction ou une contre-indication médicamenteuse préjudiciable à un patient.

Le pharmacien peut-il soutenir avoir rempli son obligation déontologique de surveillance de la thérapie médicamenteuse en s’étant fié à un tel logiciel?

Non. C’est là la réponse à cette question à laquelle est arrivé le Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec dans la décision qu’il a rendue le 5 décembre dernier à l’égard de M. Gaston Bélanger, pharmacien (que vous pouvez lire en cliquant ici).

Dans cette affaire, M. Bélanger faisait face à deux plaintes lui reprochant (a) « d’avoir commis une négligence dans l’exercice de sa profession en faisant notamment défaut d’évaluer et d’assurer l’usage approprié de la thérapie médicamenteuse prescrite… », et (b) de ne pas avoir « communiqué à monsieur G. H. les renseignements appropriés ou l’information nécessaire lors de l’exécution de l’ordonnance… ».

Ces plaintes découlaient du fait que le pharmacien avait servi à un patient qui, suite à une greffe cardiaque, prenait déjà, de la même pharmacie, un médicament anti-rejets (du Prograf®), des comprimés de Clarithromycin (Biaxin®), sans réaliser qu’il y avait une contre-indication à la consommation simultanée de ces deux médicaments et, évidemment, sans donner à son patient des informations quant aux effets secondaires pouvant découler de la prise de ces deux médicaments ensemble.

Le pharmacien a plaidé coupable à ces deux plaintes et, sur recommandation commune du procureur du Syndic et du sien, a été condamné à deux amendes totalisant 5 000$.

Malgré ce plaidoyer de culpabilité, le Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec a quand même tenu à faire le rappel suivant quant à l’impact des systèmes informatisés sur les obligations professionnelles d’un pharmacien :

« [37] Le Conseil rappelle que peu importe les systèmes informatisés mis en place dans les pharmacies, le pharmacien ne peut se décharger de ses responsabilités professionnelles, notamment de son devoir de vigilance tout au long du processus d’exécution d’une ordonnance, de l’analyse du  dossier pharmacologique et de la délivrance du médicament accompagné de l’information appropriée transmise au patient, en se fiant uniquement au système informatique; 

[38]    L’intimé semble reporter la responsabilité de la faute qu’il a commise sur le système informatique qui ne lui aurait pas signalé de contre-indication en matière de prise simultanée de Biaxin® et de Prograf®; 

[39]      La responsabilité de connaître et d’évaluer les conséquences de la prise de ces médicaments est celle du pharmacien et non du système informatique qui n’est qu’un outil mis à sa disposition pour faciliter son travail, mais non pour lui être substitué; 

[40]    Considérant le volet éducatif que doit comporter une sanction disciplinaire, le Conseil jugeait nécessaire de rappeler ce principe à l’intimé ainsi qu’à l’ensemble des membres de la profession. »

Curieusement (puisqu’il s’agit là d’un sujet que l’on ne retrouve pas souvent dans les décisions du Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec), la même journée (le 5 décembre 2014), le Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec rendait une autre décision semblable (que vous aussi pouvez lire en cliquant ici) dans un dossier visant cette fois le pharmacien M. Martin D’Amours, lequel avait servi à une même patiente enceinte à la fois du Diclectin®, un médicament réduisant les nausées occasionnées par la grossesse, et du Diovan®, un médicament utilisé pour faire baisser la tension artérielle qui est cependant inapproprié pour les femmes enceintes.

Dans cette seconde décision, le Conseil de discipline fait état du fait que, depuis les évènements à l’origine de la plainte disciplinaire portée contre lui, M. D’Amour est intervenu auprès de son franchiseur « et a obtenu la mise en place, dans l’ensemble des pharmacies de cette bannière, une amélioration significative des systèmes informatiques destinée à éviter le renouvellement simultané de médicaments présentant des contre-indications pour les patients. » 

Je vous invite à me contacter (par courrier électronique à jhgagnon@jeanhgagnon.com ou par téléphone au 514.931.2602) pour toute question ou tout commentaire.

Jean

P.S. À moins que vous ne l’ayez déjà fait, je vous invite à joindre le groupe « Droit de la pharmacie au Québec » sur LinkedIn, ce que vous pouvez faire tout simplement en cliquant ici.