Take the Money and Run

Eh non, dear readers, vous allez être déçus, il n’y en aura pas de blogues en anglais malgré le titre accrocheur. Je vais décevoir aussi les mélomanes qui espèrent me voir disserter sur l’œuvre homonyme du Steve Miller Band et surtout les cinéphiles et amateurs de Woody Allen, dont le film de 1969 du même titre lui a valu le Golden Laurel Nomination for Male New Face (Woody Allen).

Sérieux? Woody en jeune premier? Ça ne nous rajeunit pas.

Non, l’unique raison d’être de ce blogue est de plaire aux droitophiles et aux légalomanes en les inspirant sur d’opaques questions auxquelles le Merveilleux Monde de l’Insolvabilité® est confronté.

Il est ici question de l’épineuse question de la non-conformité de la soumission la plus élevée dans le cadre de l’appel d’offres d’un syndic de faillite, un de mes sujets favoris. Nos tribunaux appliquent alors la maxime latine « Take the Money and Run » ou« accipere pecuniam et currendum » comme on dit depuis le grand jurisconsulte Romain Googlus Translatus.

L’Honorable Stephen W. Hamilton de la Cour supérieure du Québec a rendu le 12 novembre 2014 une décision accueillant une requête pour directives du syndic dans Compuset Canada Inc (Syndic de) 2014 QCCS 5563.

Sept soumissions conformes avec le chèque de dépôt requis ont été reçues avant l’heure de tombée. Une huitième offre est transmise par Asset Services, par courriel, une minute avant l’échéance, évidemment sans dépôt. Cette offre est de 150 000$ à 180 000$ plus élevée que la seconde offre et ce surplus bénéficierait aux créanciers ordinaires. Le syndic est donc enclin à l’accepter et choisit, avec prudence et en écoutant les judicieux conseils de son procureur,  de s’adresser à la Cour, vu la non-conformité apparente et les objections de Thomas Industries, plus haut soumissionnaire conforme.

Le juge Hamilton applique le test habituel, c’est-à-dire de balancer la différence de prix (importante) avec l’importance de la non-conformité (peu importante). Assez bizarrement, Asset Services ne se précipite pas pour faire le dépôt en apprenant que son offre est la plus élevée et ne se présente pas à l’audition. Malgré cela, le Tribunal approuve la vente à Asset Services. À l’audience, Thomas Industries déclare ne plus être intéressée si l’offre de Asset Services est approuvée par la Cour et que par la suite la transaction ne clôture pas. C’est donc le troisième soumissionnaire qui devient l’acheteur « subsidiaire ».

On voit donc que l’intérêt de la masse a souvent raison des vices de procédures techniques dans les offres. Les tribunaux peuvent faire ce que les syndics ne peuvent faire : take the money and run.

Et pour la petite histoire qui n’est pas dans le jugement, Asset Services n’a pas clôturé, ayant probablement perdu son acheteur pour la pièce d’équipement principale, et c’est le troisième soumissionnaire qui a acheté les actifs.