Y a-t-il un modèle idéal de détention des baux d’un réseau de franchises?

Mon billet du 4 décembre dernier (que vous pouvez relire en cliquant ici) traitant du jugement rendu le 17 novembre 2014 par la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Soltron Realty inc. c. Café Vienne Canada inc. (que vous pouvez aussi relire en cliquant ici), (jugement qui, par ailleurs, a récemment été porté en appel) qui illustrait les faiblesses et les risques de faire détenir par une coquille vide les baux d’un réseau de franchises, a soulevé plusieurs questions, dont la plus importante est : « Y a-t-il un modèle idéal de détention des baux d’un réseau de franchises? »

Avant de répondre à cette question, outre la détention des baux du réseau dans une coquille vide (que j’ai déjà commentée dans mon billet du 4 décembre dernier), voici un survol (avec quelques commentaires sommaires) des principaux modèles connus de détention des emplacements d’un réseau de franchises :

1.-  Franchiseur propriétaire, et franchisé locataire, de l’emplacement

Ce modèle est utilisé par quelques grands franchiseurs pour au moins une partie des emplacements de leurs établissements franchisés.

Il permet au franchiseur de faire un placement immobilier et lui assure un haut niveau de contrôle sur chaque emplacement.

2.-  Franchiseur locataire, et franchisé sous-locataire, de l’emplacement

C’est aussi un modèle utilisé par plusieurs franchiseurs.

Il assure un bon degré de contrôle sur chaque emplacement, mais rend le franchiseur redevable de toutes les obligations de chaque bail (responsabilité qui doit notamment être reflétée dans ses états financiers annuels).

3.-  Franchisé locataire avec une entente tripartite (bailleur – franchisé – franchiseur) conférant notamment au franchiseur le droit de reprendre le bail en certaines circonstances

Du moins en théorie, cette méthode peut sembler idéale puisque le franchiseur n’assume aucune responsabilité envers le bailleur tout en bénéficiant de l’option de reprendre le bail en cas de résiliation de la convention de franchise ou de défaut du franchisé au bail.

Par contre, elle peut être plus difficile à vendre à un bailleur (qui n’est aucunement assuré que le franchiseur reprendra la place du franchisé en défaut) et nécessite un recours en injonction si, une fois en défaut, le franchisé refuse de s’y conformer volontairement.

4.-  Franchisé locataire sans entente tripartite

Ce modèle est surtout utilisé (a) lorsque l’emplacement n’est pas vraiment important pour le franchiseur, (b) pour des emplacements que le franchiseur juge risqués ou peu attrayants pour lui, et (c) lorsqu’il y a plusieurs emplacements de remplacement disponibles à proximité.

5.-  Franchisé propriétaire de l’emplacement

Enfin, le franchisé (ou une personne liée au franchisé) peut être propriétaire de l’emplacement.

Ceci n’offre évidemment que peu de contrôle au franchiseur sur l’emplacement.

Par contre, il est possible à un franchiseur de combiner ce modèle avec le deuxième ou le troisième modèle ci-dessus, par exemple en faisant en sorte que le franchisé propriétaire signe un bail à long terme avec le franchiseur, lequel signe ensuite avec le franchisé un sous-bail dont la durée est limitée à celle de la convention de franchise.

Il est aussi possible, dans ce modèle, pour un franchiseur d’obtenir du franchisé-propriétaire une option d’achat (en certaines circonstances, dont la résiliation de la convention de franchise) ou un droit de premier refus sur son immeuble.

Chacun de ces modèles présente aussi diverses variantes et il existe aussi quelques autres modèles moins fréquemment utilisés (mais qui peuvent quand même s’avérer appropriés dans certains cas).

Pour revenir à notre question de départ, et comme vous vous en doutez tout probablement, il n’existe aucun modèle « idéal » qui convienne à tous les franchiseurs.

Le choix du modèle de détention des baux d’un réseau de franchises doit donc faire l’objet d’une réflexion par chaque franchiseur puisqu’il dépend de plusieurs facteurs, parmi lesquels on retrouve (a) l’importance du site de chaque établissement, (b) l’intérêt, et la valeur commerciale, du site, (c) la distance du site de la place d’affaires du franchiseur, (c) la capacité et le désir du franchiseur de reprendre un site dans lequel un franchisé a échoué, (d) les ressources financières du franchiseur, et (e) l’importance que le franchiseur accorde au fait de contrôler les emplacements de son réseau en comparaison avec le risque pouvant découler du fait d’être responsable des baux.

Un élément intéressant cependant pour tout franchiseur consiste dans le fait qu’il n’est pas obligatoire de n’utiliser qu’un seul modèle pour tous les emplacements du réseau.

En adaptant ses contrats en conséquence, il est en effet tout à fait possible pour un franchiseur de se réserver le choix du modèle pour chaque emplacement. Par exemple, un franchiseur pourrait très bien être propriétaire de certains emplacements, locataire principal et sous-bailleur pour d’autres, détenir une entente tripartite pour d’autres encore et, enfin, laisser le franchisé être propriétaire pour certains.

Quel que soit le, ou les, modèles choisis, la qualité de la rédaction des ententes traitant de l’emplacement (convention de franchise, bail, sous-bail, entente tripartite, etc.) est souvent le facteur le plus important à la préservation des droits, et à la protection des intérêts, du franchiseur. Encore faut-il aussi qu’ils aient aussi bien été signés par toutes les parties (y compris, pour plusieurs, par le bailleur de l’emplacement)!

Malheureusement, ce n’est souvent qu’au moment où un problème surgit que le franchiseur est vraiment en mesure d’évaluer la qualité de ses contrats.

Je vous invite à me contacter (par courrier électronique à jhgagnon@jeanhgagnon.com ou par téléphone au 514.931.2602) pour toute question ou tout commentaire.

Jean