Les franchisés sont en voie de former une association – Que faire? Paniquer, poursuivre, négocier ou…?

On ne l’écrira jamais assez : la gestion d’un réseau de franchisés fait appel à des compétences et, surtout, à des habiletés, fort différentes de celle d’une entreprise fonctionnant selon un autre modèle.

Entre autres, les dirigeants d’un franchiseur doivent gérer une relation tout à fait unique avec les franchisés du réseau qui, d’une part, ne peuvent être traités comme des employés (puisque ce sont de véritables entrepreneurs qui ont investi dans leur entreprise et qui en assument le risque, tout en visant à en tirer un profit et un capital) et, d’autre part, ne peuvent être laissés à eux-mêmes (puisqu’ils constituent un maillon important d’un même réseau conçu, développé et géré par le franchiseur).

Plusieurs textes décrivent en détail les caractéristiques propres à la gestion d’un réseau de franchises (dont, et vous m’excuserez cette brève promotion, mon livre « Le partenariat stratégique : Comment profiter pleinement des forces du franchisage » sur lequel vous pouvez obtenir de plus amples renseignements en cliquant ici).

L’une des conséquences pour un franchiseur de ne pas, souvent par méconnaissance, s’assurer d’une saine gestion des relations avec ses franchisés consiste dans le risque que les franchisés décident de former une association de franchisés afin de regrouper leurs forces et leurs ressources et tenter de se faire entendre, d’une même voix, par leur franchiseur (un peu à la manière d’un syndicat).

Que devrait faire un franchiseur qui apprend que ses franchisés sont en voie de former une telle association?

Est-ce le temps de paniquer? Est-ce le temps d’engager des procédures contre certains franchisés (notamment contre le ou les promoteurs de cette association) ou de tenter de mettre fin à leurs contrats de franchise? Le franchiseur doit-il ignorer, ou reconnaître, cette nouvelle association? Doit-il négocier, ou refuser de négocier, avec ses représentants désignés???

En premier lieu, il faut savoir que quelques grands franchiseurs (dont, au Canada, le réseau Canadian Tire) possèdent depuis longtemps des associations de franchisés avec lesquelles ils ont établi, au fil des années, une saine collaboration profitable à tout le réseau.

Une association de franchisés peut donc très bien devenir un partenaire utile de l’évolution et de la croissance d’un réseau dans le respect du franchiseur et des franchisés.

Par contre, souvent, des franchisés décident de se regrouper parce que (a) ils ne se sentent pas adéquatement écoutés par leur franchiseur, (b) ils doutent de la compétence, ou du véritable intérêt, du franchiseur à les soutenir, notamment en cas de difficultés, (c) ils doutent de la transparence, de l’intégrité ou des véritables motivations du franchiseur, (d) ils vivent une réelle insécurité en raison de difficultés de marché, de décisions du franchiseur ou de changements touchant le franchiseur ou le réseau, (e) ils ne comprennent pas, ou n’acceptent pas, certaines décisions du franchiseur, ou (e) il perdent confiance en la volonté, la capacité et la compétence du franchiseur de faire progresser le réseau tout en aidant ses franchisés à mieux réussir.

La réaction du franchiseur et les premiers gestes qu’il posera après avoir appris que ses franchisés sont en voie de se regrouper au sein d’une association seront déterminants pour la survie même de son réseau.

Dans plusieurs situations, une réaction tardive ou, inversement, une réaction intempestive, du franchiseur a entraîné une détérioration rapide des relations franchiseur- franchisés qui les a menés vers une véritable confrontation, parfois même devant les tribunaux.

Comme chaque situation est différente, il n’y a pas de recette magique pour un franchiseur qui doit faire face à une telle situation.

Voici cependant trois conseils pratiques pour éviter qu’une telle situation ne dégénère rapidement au détriment de tout le réseau :

TROIS CONSEILS PRATIQUES :

1.-    Agir le plus rapidement possible et de manière proactive.

Il est trop facile pour un franchiseur de se laisser bercer par l’illusion que les choses se règleront d’elles-mêmes ou que le temps s’en chargera.

Tout souvent, l’une des raisons ayant amené les franchisés à vouloir former une association est justement que le franchiseur a sous-estimé l’ampleur de leurs préoccupations.

Le fait que les franchisés aient pris la décision de se regrouper est généralement le signe qu’il existe un problème réel et sérieux au sein du réseau (même si ce n’est qu’au chapitre de la communication franchiseur-franchisés).

Le franchiseur se doit donc d’agir rapidement pour identifier et comprendre le problème qui a amené ses franchisés à se regrouper, pour bien saisir les véritables préoccupations des franchisés, pour établir un plan afin de corriger ce problème et pour établir, ou rétablir, une véritable communication (à deux sens) avec ses franchisés.

2.-   Éviter les décisions et les gestes intempestifs.

Autant est-il important pour le franchiseur d’agir rapidement dès qu’il apprend la formation d’une association de franchisés, autant doit-il alors éviter de prendre des décisions, ou de poser des gestes, de manière intempestive, ce qui, dans la très vaste majorité des cas, ne fera qu’envenimer rapidement la situation.

Il peut être alors tentant, et sembler facile, pour le franchiseur de « tuer dans l’œuf » l’association naissante, soit en s’en prenant aux franchisés identifiés comme ses promoteurs (par exemple, en mettant fin à leurs contrats de franchise, en les surveillant de près ou en engageant contre eux des recours judiciaires), soit en s’adressant à certains franchisés pour les décourager de participer à cette association, soit en opposant une fin de non-recevoir à toute tentative de communication de la part de cette nouvelle association.

Même s’ils peuvent parfois (quoique peu souvent) être fructueux et mettre fin aux efforts des franchisés de mettre en place une association, de tels gestes ne s’attaquent pas au véritable problème au sein du réseau, soit celui qui a amené les franchisés, ou certains d’entre eux, à vouloir former une telle association.

Ils ne règlent donc pas vraiment le problème et, au mieux, ne font souvent qu’en reporter le dénouement.

3.-   Se faire accompagner par une personne expérimentée en franchisage et en règlement de différends.

Le fait que les franchisés en soient rendus au point de se regrouper est un symptôme d’un problème au sein du réseau de franchises que le franchiseur n’a pas été en mesure de régler avant cette étape.

Aussi, les dirigeants du franchiseur sont alors généralement la cible de reproches de franchisés, ce qui les amène souvent à adopter alors une position défensive et, à la mesure des reproches qui leur sont formulés, agressive.

L’implication d’une tierce personne crédible qui (a) n’a pas été impliquée jusqu’alors dans la situation qui a ainsi dégénéré, (b) possède de véritables compétences en franchisage, plus particulièrement en matière de gestion de la relation entre un franchiseur et ses franchisés, et, (c) possède aussi des compétences en matière de négociation et de règlement de difficultés et de différends (tel un médiateur), peut aider à désamorcer l’esprit de confrontation qui s’installe alors et guider le franchiseur et ses franchisés à mieux se comprendre et à collaborer ensemble à la recherche de véritables solutions aux problèmes qui affectent le réseau plutôt que de s’échanger, de part et d’autre, des reproches et des accusations qui ne feront qu’élargir le fossé qui les séparent.

En outre, la présence d’un expert crédible peut favoriser la participation de franchisés qui pourraient se sentir autrement intimidés et mitiger les rivalités existantes au sein du réseau. De plus, lorsqu’il existe un sentiment de méfiance envers le franchiseur et ses dirigeants, un expert externe peut (a) instaurer, ou accroître, un certain niveau de confiance dans le processus, (b) favoriser une meilleure compréhension commune de la situation, et (c) accélérer le processus de règlement des récriminations des franchisés.

Je vous invite à me contacter (par courrier électronique à jhgagnon@jeanhgagnon.com ou par téléphone au 514.931.2602) pour toute question ou tout commentaire.

Jean