Louage commercial: décision intéressante en matière de changement de destination des lieux loués!

Bien que la plupart des obligations contractuelles des parties soient explicitement prévues dans le contrat intervenu entre elles, certaines demeurent implicites. Ce fut notamment le cas dans une décision récente de la Cour supérieure en matière de louage commercial. 

Dans cette affaire, la Cour devait déterminer si un locataire exploitant un pub situé dans un immeuble où se trouve également un club sportif a le droit d’abandonner les lieux loués en raison de la suppression d’une importante portion des activités offertes par ce club.

Dans les faits, le propriétaire de l’immeuble en question et le locateur sont deux entités distinctes. Le propriétaire est la défenderesse 6943837 Canada inc. (le «Propriétaire»), tandis que le locateur est la défenderesse 6943870 Canada inc. (le «Locateur») et opère le club sportif. Tous deux sont dirigés par le même administrateur, Mark Kaneb («Kaneb»). Le club sportif comporte à la fois un club de raquette et un centre d’entraînement.

Afin d’exploiter un pub dans le même immeuble, la demanderesse 9202-9131 Québec inc. (le «Locataire») est constituée. Ainsi, en décembre 2008, le Locataire et le Locateur ont conclu un bail. Par la suite, la situation financière du club sportif s’est détériorée. À la recherche de solutions, Kaneb envisage d’entreprendre le développement de condominiums résidentiels dans l’immeuble, ce qui impliquerait notamment la fermeture du club sportif. Ce faisant, le Propriétaire présente une demande de rezonage à la municipalité. Alors que cette demande est en examen, la gérante du club sportif envoie une lettre à ses membres les informant d’une possible fermeture. Or, la demande de rezonage est refusée, mettant ainsi fin au projet de développement résidentiel.

Malgré cette réponse négative, Kaneb indique son intention de fermer le club de raquette, ce qui occasionne des pertes d’achalandage pour le Locataire. Bien que le Locateur lui ait accordé une réduction de loyer et lui ait permis de réduire ses heures d’ouverture, le Locataire le met en demeure de l’indemniser, tout en lui annonçant la fermeture du pub. N’ayant reçu aucune compensation, le Locataire abandonne les lieux et intente une action en dommages contre le Locateur, le Propriétaire et Kaneb. Le Locataire précise que la responsabilité de chaque défendeur découle de différentes sources. Aux fins de ce billet, nous nous concentrerons sur la responsabilité contractuelle du Locateur.

De son côté, le Locataire allègue que la demande de rezonage aurait causé un changement de destination de l’immeuble, rendant impossible l’exploitation du pub. Quant aux défendeurs, ils invoquent qu’il n’existe aucune obligation quant au maintien du nombre de membres du club. Selon leurs prétentions, le Locataire n’avait aucun motif pour abandonner les lieux.

À la lumière de son analyse, la Cour affirme que le Locateur n’a pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu du bail. En effet, bien qu’il n’existe pas de dispositions explicites en lien avec le changement des activités du club ou son nombre de membres, plusieurs clauses du bail imposent au Locataire d’exploiter le pub pour les membres du club. Ainsi, la Cour est d’avis que le Locateur ne respecte pas ses obligations s’il effectue des changements occasionnant une diminution définitive importante du nombre de membres.

En l’espèce, malgré la bonne foi du Locateur, le problème réside dans le fait que l’annonce de la fermeture du club de raquette a été faite en prenant pour acquis que la demande de rezonage serait accueillie. Or, le Locateur n’avait aucun plan alternatif en cas de rejet de la demande. L’annonce de fermeture du club de raquette a réduit le nombre de membres, et ce, sans qu’aucune mesure ne soit prévue pour les remplacer. Cette situation a grandement nui aux activités du Locataire, justifiant ainsi son abandon des lieux et la présente action.

La Cour accueille donc l’action du Locataire en révisant toutefois à la baisse les dommages réclamés.