Récente décision de la Cour d’appel sur l’obligation à terme suspensif!

Dans une décision récente, la Cour d’appel a statué que la suspension de l’exigibilité du paiement du solde du prix de vente jusqu’à la signature d’un protocole d’entente entre l’acheteuse et une municipalité constitue une obligation à terme suspensif.

Dans cette affaire, l’appelante vend plusieurs terrains à l’intimée. Celle-ci envisage de développer un projet domiciliaire dans la ville de Trois-Rivières. Ce faisant, l’intimée verse un acompte sur le prix de vente et les parties conviennent de répartir le solde sur deux versements de 150 000$, à intervalle d’un an.

À cet égard, le contrat de vente stipule que les dates prévues pour le paiement du solde du prix de vente ne sont pas de rigueur. En effet, il est prévu que ces dates sont sujettes à changement puisqu’elles dépendent de la date de la signature d’un protocole d’entente entre l’appelante et la ville de Trois-Rivières. Ce protocole d’entente vise à permettre la construction d’un service d’égouts et d’aqueducs. Le contrat prévoit de plus que le délai de signature est susceptible d’atteindre 2 ans.

Dans son analyse, la Cour s’appuie sur les principes énoncés par l’article 1508 C.c.Q. et se prononce comme suit:

[14] La qualification juridique donnée par le juge de première instance à la clause pertinente de l’acte de vente portant sur le prix est, soit dit avec égards, erronée. De l’avis de ce dernier, il s’agit d’une « condition » ainsi qu’il l’écrit au paragraphe 28 de son jugement cité précédemment5. Or, de l’avis de la Cour, il s’agit plutôt d’une obligation à terme suspensif au sens de l’article 1508 C.c.Q., lequel est ainsi libellé :

1508. L’obligation est à terme suspensif lorsque son exigibilité seule est suspendue jusqu’à l’arrivée d’un événement futur et certain.

[15] Les parties ont prévu que le paiement du solde du prix de vente deviendrait exigible à des dates précises. Le premier versement devenait dû le 3 octobre 2012 et le deuxième, le 3 octobre 2013. Ces dates, toutefois, ne sont pas de rigueur. Elles pouvaient être ajustées en fonction de la signature d’un protocole d’entente avec la Ville, les parties étant conscientes qu’un délai de deux ans était possible en raison des problèmes reliés à la capacité de desserte en eau potable de la Ville. La signature du protocole d’entente, un événement certain pour les parties, rendait toutefois les paiements exigibles. Bref, seule la date de la signature dudit protocole était indéterminée.

[16] C’est la raison pour laquelle la Cour en vient à la conclusion qu’elle est en présence d’une obligation à terme suspensif. L’obligation de l’intimée de payer le prix de vente et l’obligation de l’appelante de transférer la propriété des terrains sont nées lors de la signature du contrat. Seule l’exigibilité du paiement a été suspendue jusqu’à la signature d’un protocole d’entente entre l’intimée et la Ville. Le juge commet ainsi une erreur en droit lorsqu’il qualifie la clause litigieuse de condition. Il s’agit plutôt d’un terme.

La Cour infirme ainsi le jugement de première instance et condamne l’intimé à payer 300 000$, somme représentant le prix de vente, à l’appelante.