Régime d’options d’achat d’actions et recours en oppression

Dans une décision récente, la Cour d’appel a statué que la clause selon laquelle tout octroi d’actions expire au moment où le bénéficiaire cesse d’occuper ses fonctions au sein de la société peut donner lieu à un recours en oppression lorsque cette dernière lui a promis qu’il conserverait ses options en pareilles circonstances.

Les faits

Cette affaire oppose l’intimé Christian Dollo («Dollo») à l’appelante Premier Tech Ltée («Premier Tech»). Dollo était actionnaire minoritaire et président de Premier Tech. Malgré son congédiement, Dollo veut exercer les 207 619 options qui lui ont déjà été octroyées, et ce, nonobstant la clause 8.01.2 dudit régime. Cette clause se lit comme suit:

8.01.2 Advenant la cessation des fonctions du Bénéficiaire auprès de la Société pour toute raison autre que son décès, sa retraite ou son invalidité, tout octroi en cours expire à la date de la cessation de ses fonctions, de sorte qu’à compter de cette dernière date, le Bénéficiaire perd tous ses droits dans l’octroi à l’égard des Actions pour lesquelles il n’a pas encore levé son Option, à moins que le conseil d’administration, à sa seule discrétion, n’en décide autrement; [Nos soulignements]

Prétentions de l’intimé

Dollo allègue qu’il a fait l’objet d’un congédiement sans cause juste et suffisante. Selon lui, le régime d’options d’achat d’actions est un contrat d’adhésion. Ce faisant, puisque la clause 8.01.02 ne lui permet pas d’exercer ses options à la suite d’un congédiement, il s’agit d’une clause abusive au sens de l’article 1437 C.c.Q.

Au surplus, il soutient que le conseil d’administration de Premier Tech a agi injustement en n’exerçant pas sa discrétion pour qu’il puisse tout de même lever ses options. En effet, peu de temps avant son congédiement, les dirigeants de Premier Tech lui ont dit qu’il conserverait ses options «malgré une éventuelle rupture de son lien d’emploi». Pour cette raison, Dollo souhaite se prévaloir du recours en oppression prévu à l’article 241 de la Loi canadienne sur les sociétés par actionsLCSA»).

Première instance

Le jugement de première instance ordonne à Premier Tech d’émettre à Dollo les 207 619 actions qu’il réclame. En s’appuyant sur l’article 1379 C.c.Q., le juge est d’avis que le régime d’options d’achat d’actions est un contrat d’adhésion et déclare abusive la clause 8.01.02. Il affirme également que puisque son congédiement l’a privé d’une partie de sa rémunération, Dollo a été lésé en tant qu’actionnaire minoritaire.

Appel

En appel, Premier Tech allègue que le jugement de première instance doit être infirmé puisque le juge a erré en statuant que:

(i) le congédiement dont a fait l’objet Dollo constitue «un congédiement sans cause»;

(ii) le Régime constitue un contrat d’adhésion;

(iii) la clause 8.01.2 est abusive; et

(iv) Dollo peut se qualifier à titre de plaignant au sens de l’article 241 L.c.s.a., d’autant que la preuve ne démontre pas qu’il y a eu oppression.

La Cour d’appel rejette le pourvoi en appuyant toutefois sa décision sur des motifs différents de ceux invoqués en première instance. Sans qualifier le régime d’options d’achat d’actions de contrat d’adhésion, la Cour écrit ce qui suit:

[20] Je suis d’avis que Dollo, en sa qualité d’actionnaire et d’ancien actionnaire de Premier Tech, a fait la preuve d’une attente légitime, celle découlant de la promesse que lui ont faite les dirigeants de Premier Tech, soit qu’il allait pouvoir exercer ses options d’achat d’actions malgré la rupture de son lien d’emploi. En refusant de respecter cette promesse, Premier Tech s’est montrée injuste envers Dollo.

[21] Par l’intermédiaire de ses dirigeants, Premier Tech et son actionnaire de contrôle ont invité Dollo à adopter une position qui allait lui être préjudiciable. Or, nul n’est recevable à se prévaloir de sa propre faute au préjudice d’autrui, proposition fondée sur le principe qu’on ne doit pas tirer avantage d’une faute que l’on a commise. Au contraire, il est juste de réparer le tort que l’on fait[1].

[22] Cette violation des attentes légitimes de Dollo constitue un geste oppressif au sens de l’article 241 L.c.s.a.

C’est donc plutôt le statut d’actionnaire minoritaire de Dollo au moment de son congédiement et les promesses qui lui ont été faites par les dirigeants de Premier Tech qui amènent la Cour à rejeter l’appel.

Il ressort donc que «l’employé par ailleurs actionnaire ou dirigeant peut s’en prévaloir [du recours en oppression], si son congédiement revêt un caractère oppressif visant à le forcer à vendre ses actions ou à le priver de ses actions».