Décision intéressante sur l’interprétation des clauses de non-concurrence

Dans une décision récente, la Cour du Québec a souligné l’importance de la distinction entre l’interprétation à donner à une clause de non-concurrence dans le cadre d’un contrat d’emploi par opposition au contexte d’une vente d’entreprise.

Dans cette affaire, il est question de la vente d’un salon de coiffure par la propriétaire (la «Défenderesse») à une cliente (la «Demanderesse») pour la somme de 15 000$. Le contrat de vente comprend une clause de non-concurrence selon laquelle la Défenderesse s’engage à s’abstenir d’avoir des intérêts de quelque nature que ce soit dans une entreprise similaire dans un rayon de 20 kilomètres, et ce, pour une durée de 5 ans. Ce délai est par ailleurs réduit à un an si la Défenderesse agit en tant qu’employée de l’entreprise.

Dans son action en dommages-intérêts, la Demanderesse allègue que la Défenderesse n’a pas respecté la clause de non-concurrence prévue dans leur contrat de vente. Parmi les gestes qu’elle reproche à cette dernière, la Demanderesse soutient que la Défenderesse a servi deux clientes à son domicile. La Demanderesse ajoute que le départ de la Défenderesse et le fait que celle-ci ait commencé à travailler dans un salon de coiffure se trouvant dans un rayon de deux kilomètres portent atteinte à la clause de non-concurrence.

De son côté, la Défenderesse invoque qu’elle a plutôt fait l’objet d’un congédiement et réclame ainsi quatre semaines de préavis.

La Cour a dû trancher plusieurs questions. Or, celle de déterminer si la Défenderesse a porté atteinte à la clause de non-concurrence est la plus intéressante. La Cour débute son analyse en réitérant les principes énoncés aux articles 2088 et 2089 C.c.Q., soit l’obligation de loyauté envers l’employeur et le droit des parties à convenir d’une clause de non-concurrence. Elle précise aussi que ce type de clause est normalement d’interprétation restrictive et s’interprète en principe en faveur de l’employé.

La Cour souligne que la raisonnabilité d’une clause de non-concurrence ne s’évalue pas de la même manière que nous sommes en présence d’un contrat d’emploi ou dans le contexte d’une vente d’entreprise. La Cour se prononce comme suit à ce sujet:

[25] Par ailleurs, le caractère raisonnable d’une clause de non-concurrence diffère se- lon qu’elle est stipulée dans un contrat de travail ou dans un contrat de vente d’entreprise. Ainsi, la clause de non-concurrence dans un contrat de vente d’entreprise devra nécessairement être interprétée de façon moins restrictive que celle prévue dans un contrat de travail.

[26] Les tribunaux analyseront plus sévèrement les clauses de non-concurrence ame- nant des restrictions d’emploi plutôt qu’une restriction de commerce.

[27] Par ailleurs, les tribunaux ont également décidé qu’une cause de non-sollicitation n’interdisait pas un ancien employé de travailler pour le compte d’un concurrent et de s’approprier indirectement la clientèle de son ex-employeur lorsqu’il a développé des relations étroites avec celle-ci.

[28] Dans le même sens, il a été statué qu’une clause de non-sollicitation des clients de l’employeur ne peut empêcher un ancien employé de desservir une clientèle qui fait appel à ses services et solliciter de nouveaux clients par les moyens usuels de publicité.

Pour ces motifs, la Cour précise qu’elle doit se prononcer sur le statut de la Défenderesse au moment des gestes reprochés, à savoir si elle agissait en tant que travailleuse autonome ou employée.

Au terme de son analyse, la Cour a statué que la Défenderesse n’a pas agi à titre de travailleuse autonome. En effet, le mode de rémunération de cette dernière, soit par voie de commission, minimise les risques financiers de la Défenderesse. De plus, celle-ci ne paie ni de loyer ni de dépense, rendant ainsi sa situation plus similaire à celle d’une employée. De la même façon, son horaire régulier laisse croire qu’elle n’exploite pas une entreprise.

Ce faisant, comme la Cour qualifie la Défenderesse d’employée, cette dernière est plutôt assujettie au délai d’un an prévu dans la clause de non-concurrence et n’a de ce fait pas agi en violation de cette clause.