Résiliation d’un contrat de services de bonne foi

BLOGUE SUR L’AFFAIRE : Construction Blenda inc. c. Office Municipal d’Habitation de Rosemère (L’) 2017 QCCS 1967

Cette décision fait suite à un litige qui oppose la société Construction Blenda inc. (ci après « Blenda ») à l’Office Municipal d’Habitation de Rosemère (ci après l’« OMHR ») relativement à la résiliation d’un contrat de services pour la construction d’immeubles d’habitation.

Pour différentes raisons, l’OMHR décida de mettre un terme au contrat qui la liait à Blenda, et ce, avant la fin des travaux de construction desdits immeubles. Plusieurs éléments sont traités dans cette décision. Nous concentrerons cependant nos commentaires sur la question de la résiliation d’un contrat de services.

Le Code civil du Québec (C.c.Q.) définit le contrat d’entreprise ou de services comme étant celui par lequel un entrepreneur ou un prestataire de services s’engage envers son client à la réalisation d’un ouvrage matériel ou intellectuel moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer (article 2098 C.c.Q.).

Les contrats de construction et les mandats professionnels constituent, de façon générale, des contrats de services. Or, l’article 2125 C.c.Q. prévoit qu’un client peut résilier un contrat de services en tout temps et sans cause.

Dans un tel cas, l’article 2129 C.c.Q. limite le droit de l’entrepreneur ou du prestataire de services de réclamer seulement ses frais et dépenses encourues lors de la résiliation, et la valeur de certains biens fournis, sans permettre que soient notamment compensés les pertes de revenus et de profits escomptés.

Or, la décision de l’Honorable juge David R. Collier est intéressante, puisqu’elle confirme le principe que ladite limitation des dommages pouvant être réclamés dans le cas d’une résiliation de contrat de services ne s’appliquera pas si la résiliation est faite de façon abusive.

En effet, dans ce cas, l’entrepreneur serait indemnisé pour tout préjudice qui lui est causé y compris pour sa perte de profits futurs.

Le Tribunal arrive à cette conclusion en appliquant le principe voulant que toute personne soit tenue d’exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi et qu’aucun droit ne peut être exercé dans le but de nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonnable.

Ce principe découle également de l’article 1375 C.c.Q. qui prévoit que la bonne foi doit gouverner les parties tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui de son exécution et de son extinction.

Le Tribunal procède donc à l’analyse des différents éléments qui sont soulevés par Blenda au soutien de sa prétention à l’effet que l’OMHR avait résilié de façon abusive le contrat, permettant ainsi à Blenda de réclamer des dommages de plus de 1.2 millions de dollars.

Après analyse de ces différents critères, le Tribunal en arrive à la conclusion que la résiliation, dans ce dossier, n’a pas été exercée de façon abusive et limite donc les dommages de Blenda à la somme de 139 995,86 $, représentant les frais prévus à l’article 2129 C.c.Q.

Depuis l’adoption du nouveau Code civil du Québec, les professionnels du droit ont souvent conseillé à leurs clients d’utiliser l’article 2125 C.c.Q. afin de résilier des ententes dans lesquelles leurs clients ne trouvaient plus leurs comptes.

Or, il est important de faire attention au motif qui justifie une telle résiliation, mais également à la façon dont cette résiliation est effectuée.

En effet, selon cette décision, par exemple, invoquer un faux motif pour résilier un contrat pourrait être considéré comme une façon abusive de résilier le contrat, ce qui pourrait entraîner des dommages plus importants que ceux prévus à l’article 2129 C.c.Q.

Il faut donc agir avec prudence et diligence dans le cadre d’une telle résiliation, et ce, même si le Code civil du Québec permet aux clients de résilier en tout temps un contrat lié à un entrepreneur.

Nous devrons cependant attendre le sort de l’appel de cette décision afin de confirmer le principe soutenu par l’Honorable juge Collier dans cette affaire.