Les conflits d’intérêts d’un élu : une question de faits

Le 2 octobre 2017, une décision de la Commission municipale du Québec[1] (« CMQ ») apportait un nouvel éclairage sur ce que constitue ou non un manquement déontologique en matière municipale. Huit membres du conseil d’une MRC alléguaient qu’une mairesse d’une municipalité de cette MRC avait enfreint le Code d’éthique et de déontologie des élus municipaux[2] de sa municipalité à deux reprises alors qu’elle siégeait sur le comité régional des cours d’eau de la MRC et sur le comité général de travail de la MRC.

Le premier manquement reproché à l’élue émane de propos tenus lors d’une réunion du comité régional des cours d’eau. L’un des points à l’ordre du jour concernait une plainte relative à la non-conformité de douze ponceaux, dont l’un était situé sur une terre appartenant à la société de l’élue, de son conjoint et d’une autre société. Avant le début des discussions et des délibérations, la mairesse a révélé son intérêt et avant de se retirer, elle a mentionné que son conjoint n’avait pas l’intention d’enlever ce ponceau et que la problématique perdurerait.

La CMQ avait à décider si la mairesse avait tenté d’influencer la décision des membres du comité de manière à favoriser ses intérêts personnels en prenant la parole avant de se retirer des discussions et délibérations. La CMQ est arrivée à la conclusion que l’élue n’avait pas tenté d’influencer les membres du comité de façon à favoriser ses intérêts personnels puisque les propos tenus avant qu’elle se retire consistaient à rappeler les faits et la position de son conjoint relativement à l’enlèvement du ponceau. Rien ne permettait de conclure que l’élue avait utilisé sa fonction ou son statut pour tenter d’influencer la décision de ses collègues.

Le deuxième manquement reproché à l’élue concerne son refus de se retirer lors d’une réunion du comité général de travail de la MRC alors que le sujet des ponceaux dérogatoires était à l’ordre du jour. L’élue a refusé de se retirer au motif que le dossier était devenu politique et a insisté pour assister aux discussions et délibérations, sans toutefois y participer.

La CMQ avait à décider si, en refusant de quitter la salle alors que le comité traitait de la question des ponceaux dérogatoires, l’élue avait contrevenu à son Code d’éthique.

D’abord, la CMQ conclut que le libellé de l’article 1 du Code d’éthique n’exige pas d’un élu ayant un intérêt dans la question traitée qu’il quitte la réunion. La seule obligation est de divulguer publiquement son intérêt et de s’abstenir de participer aux discussions et délibérations.

Au surplus, les dispositions de présentation du Code d’éthique indiquent que les règles qui y sont prévues visent à prévenir les situations qui iraient à l’encontre des articles 304 et 361 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités[3] (« LERM »). Or, cette loi ne s’applique pas lorsqu’un élu siège à un comité plénier puisqu’un tel comité qui tient une réunion privée, n’est pas constitué par résolution ou règlement du conseil et n’a aucun pouvoir décisionnel, tel que l’a décidé la Cour supérieure dans l’affaire Leclerc c. Poirier[4].

Ainsi, dans la présente affaire, l’élue n’a pas contrevenu à son Code d’éthique ni à la LERM puisqu’elle n’avait pas l’obligation de se retirer de la réunion du comité général de travail de la MRC.

Face à des allégations de manquements déontologiques, cette décision nous rappelle l’importance du libellé des dispositions du Code d’éthique et déontologie des élus applicable afin de vérifier ce qui constitue ou non un manquement à ce Code.

[1] CMQ-66046.

[2] Règlement numéro 346-2014 relatif au Code d’éthique et déontologie des élus municipaux, Municipalité de Saint-Aimé, règlement no 346-2014, 3 février 2014 (ci-après, le « Code d’éthique »)

[3] RLRQ, c. E-2.2.

[4] J.E. 93-1349, confirmé par la Cour d’appel, (1994) 62 Q.A.C. 226.