Inadmissibilité aux contrats publics : retour sur l’affaire SNC-Lavalin

Les déboires de SNC-Lavalin (« SNC ») ont été largement documentés par les médias au cours des dernières semaines. Depuis 2015, SNC est accusée d’avoir versé d’importantes sommes d’argent à des agents libyens en vue d’obtenir des contrats du gouvernement libyen, en contravention à l’article 3 de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers. Ces accusations ont été déposées par les autorités fédérales, mais les procureurs du Québec pourraient également déposer des chefs d’accusation contre SNC dans un avenir proche.

SNC a essayé à plusieurs reprises de convaincre les autorités fédérales de négocier avec elle un « accord de réparation ». En effet, depuis 2018, le Code criminel prévoit un régime qui permet l’abandon des poursuites pénales contre une entreprise lorsque celle-ci s’engage à admettre les faits, à payer une pénalité financière et à coopérer avec les autorités. Or, le Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) a jusqu’à présent catégoriquement refusé de négocier avec SNC un accord de réparation. SNC s’est tout récemment adressée à la Cour fédérale afin qu’elle révise la décision du SPPC, mais la Cour a rejeté sa demande, jugeant que les décisions prises par les procureurs en matière de poursuites relèvent de l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire[1].

Cependant, si le processus judiciaire suit son cours, une déclaration de culpabilité serait lourde de conséquences pour SNC.

Au niveau fédéral, le gouvernement du Canada a adopté un « Régime d’intégrité », lequel comprend notamment une « Politique d’inadmissibilité et de suspension ». En vertu de cette politique, une entreprise reconnue coupable d’une infraction à l’article 3 de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers est automatiquement déclarée inadmissible aux contrats publics fédéraux pour une période de 10 ans.

Au Québec, la Loi sur les contrats des organismes publics prévoit qu’une entreprise qui est déclarée coupable d’une infraction à l’article 3 de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers devient inadmissible aux contrats publics provinciaux pour une durée de 5 ans « à compter du moment où cette déclaration est consignée » au registre des entreprises non admissibles aux contrats publics (RENA). Questionné au sujet de SNC, le président-directeur général de l’Autorité des marchés publics (AMP) a mentionné que l’inadmissibilité de SNC aux contrats publics ne sera pas automatique : il y aura une analyse par l’AMP, à la suite de laquelle elle pourrait considérer le fait que les gestes reprochés à SNC ont été posés il y a plusieurs années et que des changements importants ainsi que de nouvelles mesures de gouvernance ont été mis en place dans l’entreprise depuis.

SNC va certainement poursuivre ses efforts de lobbyisme auprès du gouvernement fédéral en vue de pouvoir négocier un accord de réparation. Cependant, dans l’immédiat, on comprend aisément les raisons de l’incertitude entourant son futur.


[1]SNC-Lavalin Group Inc. c. Canada (Service des poursuites pénales), 2019 CF 282.