PAS DE CONTRAT PUBLIC SI LA RGAÉ S’APPLIQUE

La pratique de la fiscalité est-elle devenue un sport trop dangereux? Cette question mérite d’être posée face aux nouvelles règles proposées par le gouvernement du Québec dans sa lutte aux planifications fiscales agressives. Contrairement à son pendant canadien, Revenu Québec peut imposer des pénalités monétaires aux contribuables ou à leurs promoteurs visés par une cotisation finale basée sur la règle générale anti-évitement (« RGAÉ »). Ces pénalités ont récemment été augmentées. D’une part, le contribuable parti à une opération d’évitement abusive s’expose une pénalité égale à 50% de l’avantage fiscal supprimé alors que, d’autre part, son promoteur est susceptible de se voir imposer une pénalité égale à 100% des honoraires reçus relativement à l’opération visée par la RGAÉ (« Pénalité RGAÉ »). À des fins de précision, la cotisation finale basée sur la RGAÉ dont il est question correspond à une cotisation à l’égard de laquelle tout délai pour s’opposer est échu ou, si l’entreprise s’est opposée valablement à la cotisation ou a interjeté appel à l’encontre de la cotisation auprès d’un tribunal compétent, cette opposition ou cet appel, selon le cas, est réglé de façon définitive. De plus, la Pénalité RGAÉ s’applique uniquement relativement à la RGAÉ québécoise. En présence d’une cotisation finale basée seulement sur le pendant fédéral de la RGAÉ, la Pénalité RGAÉ ne saurait trouver application.

 

En sus de ce qui précède, le gouvernement québécois entend interdire l’accès aux marchés publics aux contribuables et à leurs promoteurs pratiquant de l’évitement fiscal abusif. En effet, le Projet de loi 37 a, entre autres, pour objet d’inscrire au registre des entreprises non admissibles («  RENA ») les contribuables et leurs promoteurs sujets à la Pénalité RGAÉ. Ce registre consigne le nom des entreprises ayant commis une infraction prévue à l’annexe I à la Loi sur les contrats des organismes publicsLCOP ») ainsi que celles qui se sont vues refuser ou révoquer leur autorisation de conclure des contrats publics. Ces autorisations sont administrées par l’Autorité des marchés publics et sont requises dans le processus d’appel d’offres de contrats publics comportant une dépense supérieure à un certain seuil. Ces seuils sont respectivement de 1 000 000$ et de 5 000 000$ pour les contrats de services et de construction.

 

Si une entreprise est inscrite au RENA, elle ne pourra présenter une soumission pour la conclusion d’un contrat public, conclure un tel contrat, ni conclure un sous-contrat public. Cette inadmissibilité dure cinq ans. La commission d’une infraction prévue par une personne engendre des conséquences pour d’autres relativement au RENA. D’une part, l’administrateur ou le dirigeant d’une entreprise reconnu coupable d’une infraction prévue inscrit ladite entreprise si cette infraction a été commise dans le cadre de l’exercice des fonctions de l’individu. De plus, une personne exerçant le contrôle de jure d’une entreprise reconnue coupable d’une infraction prévue inscrit également cette entreprise au RENA indépendamment du fait que l’infraction ait été commise ou non dans le cadre de l’exercice de ses fonctions. D’autre part, suivant le refus ou la révocation de l’autorisation de contracter d’une entreprise, les personnes dont elle exerce le contrôle de jure sont inscrites sur le RENA. En ce qui a trait aux règles proposées, elles viendront créer une fiction juridique en vertu de laquelle une entreprise soumise à une Pénalité RGAÉ sera réputée avoir été déclarée coupable d’une infraction prévue à l’annexe I de LCOP. Il est également proposé qu’une personne liée (au sens de la LCOP) à une entreprise sera également réputée avoir été déclarée coupables d’une infraction prévue à l’annexe I lorsque cette personne se voit imposée une Pénalité RGAÉ. Cela signifie qu’un actionnaire de contrôle d’une sociétésoumis à une Pénalité RGAÉ frappe également la société d’une interdiction de participer aux marchés publics.

 

De manière générale, les marchés publics comprennent les contrats de service ou de construction des ministères et organismes de l’Administration gouvernementale, des organismes du réseau de l’éducation, des organismes du réseau de la santé et des services sociaux, les sociétés d’État ainsi que les villes et les organismes municipaux. Cette description est loin d’être exhaustive alors que l’on compte 288 organismes publics assujettis à la LCOP.

 

En conclusion, les contribuables obtenant une part substantielle de leurs revenus de contrats parapublics québécois devront être particulièrement vigilant dans leurs planifications fiscales, car une inscription éventuelle au RENA leur interdirait l’accès aux marchés publics. Dans le doute, la divulgation préventive de l’opération via le formulaire TP-1079.DI permet d’éviter la Pénalité RGAÉ et, incidemment, l’inscription au RENA.

 

Raphael Barchichat

PSB BOISJOLI, Montréal

rbarchichat@psbboisjoli.ca

 

Jérémie Caillé

PSB BOISJOLI, Montréal

jcaille@psbboisjoli.ca