Projet de loi 79 et modes d’adjudication pour les contrats de services professionnels en architecture et en ingénierie : une occasion manquée?

Loi 79 architecture

Dans le milieu municipal, le mode d’adjudication du système de pondération et d’évaluation des offres à double enveloppe[1], principalement utilisé pour les contrats de services professionnels, est souvent critiqué. En effet, en pratique, ce mode d’adjudication mène très souvent à une sélection du soumissionnaire qui a présenté le prix le plus bas, malgré l’évaluation qualitative des offres par le comité de sélection (à ce sujet, voir notre billet précédent).

Dans cette optique, l’introduction, par le projet de loi 79 (Loi édictant la Loi sur les contrats des organismes municipaux et modifiant diverses dispositions principalement aux fins d’allègement du fardeau administratif des organismes municipaux), de la Loi sur les contrats des organismes municipaux (LCOM), représentait l’occasion idéale de modifier ce mode d’adjudication, voire de carrément l’éliminer et le remplacer par un autre mode. C’est d’autant plus vrai que, pour les organismes publics assujettis à la Loi sur les contrats des organismes publics, le gouvernement du Québec a introduit, en janvier 2024, un tout nouveau mode d’adjudication pour les contrats de services d’architecture et d’ingénierie liés à des travaux de construction appelé « évaluation fondée sur la mesure du niveau de la qualité des soumissions suivie d’une appréciation du prix soumis », qui tient compte de la médiane des prix du marché[2]. Pourquoi ne pas ajouter ce mode d’adjudication au cadre normatif des organismes municipaux également ?

Dans le cadre des travaux en commission parlementaire pour le projet de loi 79, plusieurs intervenants ont d’ailleurs fait cette recommandation. Par exemple, dans son mémoire, l’Association des firmes de génie-conseil du Québec (AFG) a mentionné que « pour encourager l’attribution de contrats en fonction d’un prix juste, l’évaluation du prix devrait se faire en fonction du prix médian, comme c’est le cas dans la nouvelle formule qualité-prix implantée pour les organismes publics et ministères », au motif que ce mode d’adjudication permet « de prioriser la qualité des services professionnels, tout en obtenant une estimation de prix la plus juste possible ». L’Association des Architectes en pratique privée du Québec (AAPPQ) a fait un commentaire similaire dans son mémoire et a souligné que « cela permettrait d’alléger le fardeau règlementaire pour les entreprises qui doivent adapter leurs pratiques d’affaires à deux régimes distincts pour le même type de contrats publics ».

Malheureusement, cette recommandation n’a pas été suivie par le gouvernement. Le nouveau mode d’adjudication qui tient compte de la médiane des prix du marché n’a pas été ajouté à la LCOM et demeure donc disponible pour les organismes publics seulement. Pour les organismes municipaux, le mode d’adjudication du système de pondération et d’évaluation des offres à double enveloppe a été maintenu dans la LCOM. Soulignons par contre qu’il va porter un nom différent, soit le « système de connaissance différée du prix », et qu’il va comporter certaines différences par rapport à sa forme actuelle dans les lois municipales. Ces différences ne sont toutefois pas, à notre avis, de nature à modifier substantiellement le fonctionnement de ce mode d’adjudication et, ultimement, le résultat auquel il va mener en pratique. Pour cette raison, nous sommes d’avis que l’utilisation du système de pondération et d’évaluation des offres à une enveloppe[3] demeure préférable. Ce mode d’adjudication a lui aussi été maintenu dans la LCOM et a pour sa part été renommé « système d’évaluation globale des critères ».

Pour conclure, il est important de souligner que, bien que le projet de loi 79 ait été adopté le 18 mars 2025 et sanctionné le 25 mars 2025, la LCOM n’est pas encore en vigueur, en raison des dispositions transitoires du projet de loi. Dans un bulletin publié en avril 2025, le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) a indiqué que l’entrée en vigueur de la LCOM est prévue pour le printemps 2026. Notre équipe ne manquera pas de vous tenir informés de l’évolution de la situation.

 

 


[1] Loi sur les cités et villes, RLRQ, c. C-19, art. 573.1.0.1.1 ; Code municipal du Québec, RLRQ, c. C-27.1, art. 936.0.1.1 ; Loi sur les sociétés de transport en commun, RLRQ, c. S-30.01, art. 96.1.

[2] Règlement sur certains contrats de services des organismes publics, RLRQ, c. C-65.1, r. 4, art. 40.3 à 40.7.

[3] Loi sur les cités et villes, RLRQ, c. C-19, art. 573.1.0.1 ; Code municipal du Québec, RLRQ, c. C-27.1, art. 936.0.1 ; Loi sur les sociétés de transport en commun, RLRQ, c. S-30.01, art. 96.